Pour saluer la publication chez P.O.L, d’un nouveau livre de la photographe et poète Suzanne Doppelt Le pré est vénéneux (bibliographie mise à jour)
certaines nuits sont moins noires que d’autres, lune double,
ciel neigeux, une multitude luisante dont les arbres qui
bordaient la rivière étaient si couverts qu’ils ressemblaient à
des lustres. Le pré est magnétique, s’y promener quand le
jour tombe sur le beau tapis odorant est un plaisir. Dans l’air
des mouches volantes – une affection de la vue et des vers
inconnus qui brillent dans le noir, clignent vers l’argent,
ils servent de phare aux marins. Mais un bateau a été coulé,
il laisse un long sillage. Un rayon sort de l’œil comme une
antenne, on voit sur quoi il tombe, on ne voit pas sur quoi
il ne tombe pas, le pré s’enfonce un peu plus dans le noir.
Parfois un éclair ou alors une éclipse, il s’illumine : la
lumière varie, crée des éclairages intermédiaires, les ombres
volantes augmentent, l’atmosphère se colore autrement, les
plantes et les animaux sont influencés, l’horizon change
d’apparence. Puis la lune commence à sortir de la pénombre,
un spectre continu ou en bandes colorées, elle la quitte et
reprend tout son éclat. C’en est un, un
targui blanc, muet
et impassible, je le reconnais à sa façon de marcher. Dans
le pré, le champignon fait de la lumière, le tournesol la
cherche et dans la rivière, le zoo plancton et la raie électrique
produisent des décharges violentes. Le peu de lumière ondule,
glisse à travers l’air et sur la surface calme de l’eau ou bien
vole comme les gouttes projetées par le tuyau d’arrosage.
C’est l’heure la plus difficile pour conduire, le pré serait-il
un champ rempli de poudre à canon ?
Suzanne Doppelt, Le pré est vénéneux, P.O.L, 2007, p. sans pagination.
Suzanne Doppelt dans Poezibao :
Note
bio-bibliographique et un extrait
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