Deux nouvelles réjouissantes pour la poésie (elles ne sont pas si fréquentes) hier soir, lors d’un Lundi des Poètes réunissant rien moins que Bernard Chambaz, William Cliff et Jacques Darras. Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des Poètes (lequel organise avec le Lundi un rendez vous régulier tout au long de l’année), m’informe qu’il a constaté une hausse significative de fréquentation dans les lectures de poésie. Au moment du Printemps, il sillonne la France, de manifestation en manifestation, et constate qu’il y a rarement moins de cinquante personnes à chaque événement. Seconde bonne nouvelle, il arrive que des institutions privées s’intéressent à la poésie : il en est ainsi de l’hôtel Claret qui accueille, à titre de mécénat, la manifestation du Lundi des Poètes. Monique Pignet, propriétaire de l’hôtel annonce de plus la création d’un site où seront disponibles les fichiers audio des lectures
Dommage que ce n’ait pas encore été le cas hier soir. Car le
plateau était de choix, selon les propres mots de Jean-Pierre Siméon en son
introduction. De Bernard Chambaz l’introverti à William Cliff le provocateur et
à Jacques Darras le joueur. Trois styles complètement différents, trois
lectures presque opposées.
C’est Bernard Chambaz qui ouvre le feu. Et je retrouve ce que j’ai tant aimé
dans Eté (voir toutes les références
utiles en fin d’article), une narration ouverte, entrecoupée de plongées dans l’intime,
presque des raptus de l’intime au cœur de ce qui se vit et qui est constamment
attaqué par le souvenir, le deuil. On sait que Bernard Chambaz a perdu un fils
et que cette perte informe toute son œuvre depuis lors, avec la figure
poignante du « martin-pêcheur » et le sillage interminable du deuil.
L’émotion est toujours aussi forte, même s’il ne faut pas réduire l’œuvre à cet
aspect, elle fourmille de richesses, notes sur le vif, longue fréquentation
significative des poètes américains, rendu très fin des perceptions extérieures
et intérieures. Bernard Chambaz termine sa lecture par la dernière page du
premier volume d’Eté, les larmes aux
yeux. Nous aussi. Son corps a peu bougé, sa voix sourde s’est progressivement
amplifiée, adoptant le rythme très particulier de cette poésie, à la fois
continu et haché, narratif et troué.
Rythme aussi, mais si différent, avec William Cliff pour une
promenade très déconstruite dans son dernier livre Immense Existence (dont Tristan Hordé a rendu compte très récemment
sur Poezibao, voir ci-dessous),
lecture comme théâtralisée, une anecdote, une adresse aux deux autres poètes ou
au public et puis, soudain, immersion dans le poème, qui saute à la figure, qui
accroche par ses images, ses allitérations, sa vigueur, sa crudité souvent. Et
cette remarque de William Cliff, réponse à quelqu’un qui lui demandait comment
il écrivait : « j’écris très
lentement et j’essaie d’être le plus exact possible. Plus vous êtes exact plus
vous dîtes des choses hors de ce qui est dit puisque nous sommes tous
différents ». Il termine sa lecture par le poème « Le
Sommeil du père » qui figure dans l’anthologie permanente de Poezibao
Nouveau style encore avec Jacques Darras, brillant, pétillant
(il lit d’ailleurs son fort tonique poème « La Chanson du Champagne »),
dans un festival de jeux de mots, de jeux avec les mots, sur le son et le sens.
Trois styles très différents mais que deux choses unissent, il me semble : le travail sur le rythme et l’ouverture sur le monde, les trois écrivains étant des voyageurs, qui en Amérique, qui aussi en Amérique mais également en Espagne, qui en Belgique, en Hollande, etc.
©florence trocmé, Poezibao

Bernard Chambaz a
lu des extraits de Eté, paru en 2005
aux Éditions Flammarion
Ainsi je continue d’écrire
par rafales ou saccades depuis début 2000 afin de ne pas commencer sans toi
(sans l’illusion dépourvue de la moindre illusion) ces années qui commencent
par le chiffre 2 sans être tout à fait le troisième millénaire et font suite à Echoir. Rafales est judicieux pour sa
discontinuité, pour la soudaineté et la violence de ses coups, pour les fusils
et la mitraillette de Maïakovski …. (intégralité de cet extrait, demain,
dans l’anthologie permanente de Poezibao)
Bernard Chambaz dans Poezibao le
compte rendu d’une lecture, fiche
de lecture de Eté (Flammarion 2005), William Cliff a lu
des extraits de Immense Existence,
tout juste paru aux éditions Gallimard William Cliff dans Poezibao : Jacques Darras a
lu des extraits de Tout à coup je ne suis
plus seul, paru aux Éditions Gallimard / L’Arbalète en 2006 Photos ©Florence Trocmé (toutes agrandissables par simple clic sur l'image), de haut en bas, les trois poètes avec de gauche à droite sur l'image, Bernard Chambaz, William Cliff et Jacques Darras ; Jean-Pierre Siméon ; Bernard Chambaz ; William Cliff ; Jacques Darras ; Bernard Chambaz et William Cliff.
Note
bio-bibliographique,
extrait
1, extrait
2, extrait
3 extrait
4 (Eté), extrait
5 (Eté), extrait
6,
Note
bio-bibliographique,
extrait
1, "Lecture" poétique 4, extrait
2,
note
de lecture de Immense Existence
(par Tristan Hordé)
La littérature est la constitution de la
loi du sens.
La constitution du sens dans le mouvement qui le constitue.
La littérature change les lettres change les sons change le sens.
La littérature change la loi change de loi change de constitution.
La littérature est la plus politique est activités.
La littérature est la politique à l’état pur.