Algues, sable,
coquillages et crevettes, sous ce titre évocateur mais énigmatique en ce
sens qu’il n’entraîne en rien à quelque méditation sur la plage ou la mer, Jean
Pierre Siméon pose la question du sens dans le domaine de la poésie. En la
liant à la question de la transmission de la poésie, puisqu’il s’agit ici d’une
lettre, adressée à des comédiens (mais aussi à tous les autres « passeurs »
de poésie et en définitive à tous les lecteurs). Il le fait autour de la problématique, difficile mais d’actualité, de la lecture publique de poésie. Ce
livre très réussi esthétiquement est en fait la seconde édition de cette lettre
aux comédiens de la comédie de Reims.
Qu’en est-il du sens du poème ? C’est le fil conducteur, ô combien
pertinent, sur lequel Jean-Pierre Siméon axe toute sa réflexion. Démontrant qu’il
n’y a pas en poésie de sens unique et que si « lire un poème, c’est
chercher un sens », « il faut admettre que le sens d’un poème ne
préexiste pas à la lecture et qu’il déborde toujours l’intention du poète ».
Je note au passage un pique bien sentie contre la lecture « scientiste »
du poème, héritage scolaire. Mais je retiens aussi de très beaux encouragements
au lecteur à qui Jean-Pierre Siméon dit de ne pas douter de sa lecture, de ne
pas douter de la légitimité de sa lecture, car le sens du poème « n’existe
que dans l’échauffement de trois volontés : celle du poète, celle du
poème, celle du lecteur, celle du lecteur étant in fine souveraine et
définitive ». Parlant ainsi au lecteur anonyme, il ne s’écarte par là en
rien de son sujet puisqu’il prône que le comédien comme le lecteur de poésie se
doit avant tout de découvrir pour lui le ou les sens du poème, en dehors de
toute contrainte car c’est ainsi qu’il
saura transmettre le texte, le laissant ouvert à l’interprétation de celui qui
va l’entendre. Il s’agit de « proposer sans l’imposer une saisie cohérente
et non exclusive du poème » ajoutant cette formule que l’on voudrait voir en
œuvre aujourd’hui, surtout dans le champ de la pensée, de la discussion, de la
réflexion « Ne pas simplifier mais faire jouir du complexe ».
Je veux manifester ici tout le profit que j’ai retiré de cette lecture à la
fois en tant que médiatrice de poésie sur ce site et en tant que lectrice. Cet
objet livre étant de surcroit beau et gai, je crois que je vais le laisser sur
le bureau, pour réchauffer la fenêtre froide de l’ordinateur : Algues, sable, coquillages et crevettes :
sous l’écran, la plage !
©florence trocmé
Poète, essayiste et auteur de théâtre, Jean-Pierre Siméon est né en 1950. Il publie régulièrement chez Cheyne depuis 1984. Il dirige avec Jean-Marie Barnaud la collection Grands fonds de cet éditeur. Il a été "poète associé" au C.D.N. de Reims pendant six ans puis a rejoint le TNP de Villeurbanne. Il est directeur artistique du Printemps des Poètes.
Jean-Pierre Siméon, Algues,
sable, coquillages et crevettes, Lettre d’un poète à des comédiens et à
quelques autres passeurs
Cheyne Éditeur, 2006 (1re éd. 1997
isbn 978-2-84116-018-1 : 12,
50 €