Avertissement : Il ne s’agit aucunement ici de conseils,
encore moins de proposer à l’entendement de jeunes poètes un enseignement qui
ne vaut que pour soi-même.
Je n’ai réuni ces notes que pour juger en tout état de cause de l’étendue du
désastre.
Et puisque aussi bien la description du fusil précède le maniement d’armes,
peut-être n’est-il pas inutile, le coup parti, le but manqué, de se pencher
avec humilité sur son arme et de s’interroger sur les raisons de sa défaite
(p.385)
*
J’aimerais assez cette critique de la poésie : la poésie
est inutile comme la pluie.
(p. 388)
*
L’émotion du poète ne vient pas de ce qu’il voit mais de ce
qu’il endure.
(p. 389)
*
Les poèmes les plus surprenants surprennent d’abord par
l’absence de surprises : Francis Jammes, poète surprenant.
(p. 392)
*
Toute poésie tend à devenir anonyme.
(p. 390)
*
Pourquoi tant de poèmes, pourtant si admirablement
construits, nous laissent-ils à ce point indifférents ? Sans doute y
perçoit-on un peu trop l’intention, cette volonté préétablie d’agencer des matériaux
dans l’apparence du chef-d’œuvre. Mais ces fenêtres si hautes, si claires, si
ordonnées, sont murées de l’intérieur. L’obscurité est partout dans cette
demeure.
(p. 395)
*
Cocteau s’alite, se soigne, espère un mieux (du « Cap de Bonne Espérance » à « Plain Chant »), d’où
l’atmosphère clinique de ses poèmes. Il s’opère lui-même avec la maîtrise et le
petit doigt levé du chirurgien. Il commente sa réussite, s’en étonne, s’en
félicite, s’apprête à renouveler l’opération pour mieux convaincre son lecteur.
Reverdy succombe tout seul et en silence, et ressuscite chaque matin.
(p. 397)
René-Guy Cadou, Usage
interne (notes sur la poésie), 1ère édition, Les Amis de Rochefort,
1951 (année de la mort de Cadou), 540 exemplaires.Préface de Jean Rousselot. Introduction de
Michel Manoll.
Édition récente :In Poésie la vie entière : œuvres poétiques
complètes de René Guy Cadou. – Seghers, 1996. – 474 p., pages 383-413)
je remercie Pierre
Maubé pour cette contribution