Le centenaire de la naissance de René Char (né le 14 juin
1907, mort le 19 février 1988), célébré de diverses manières (1), l’est
magnifiquement à la Bibliothèque nationale. Il faut, en premier lieu, se
réjouir du parti pris de clarté et de pédagogie du maître d’œuvre, Antoine
Coron, directeur de la réserve des livres rares : le visiteur ne fait pas
que découvrir des merveilles, il les aborde en suivant un parcours
chronologique, parcours présenté par des textes précis et clairs qui sont
repris dans un petit livret disponible à l’entrée de l’exposition.
Il serait fastidieux d’énumérer l’ensemble des éléments présentés. Les amateurs
de typographie et de manuscrits enluminés seront comblés : l’ensemble des
recueils illustrés de René Char est là, et c’est un vaste panorama du travail
de peintres et d’un poète — Miró, Matisse, Picasso, Victor Brauner, Braque, Max
Ernst, Jacques Villon, Giacometti, Zao Wou-ki, Vieira da Silva…, et la liste
est bien incomplète. En outre, des tableaux, des lithographies, des gouaches et
des aquarelles de plusieurs de ces peintres ponctuent le parcours – par
exemple, deux toiles de petit format de Nicolas de Staël, Paysage de Provence et Face
au Havre, celle-ci offerte à René Char. Nicolas de Staël, qui travailla au
projet de décor et de costumes pour L’abominable
homme des neiges, grava aussi 14 bois pour des poèmes extraits du Poème pulvérisé. Il écrit à René Char,
en préparant ses bois : « Tu
m’as fait retrouver d’emblée la passion que j’avais enfant pour les grands
ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d’un langage direct que cela
entraîne » (8 novembre 1951).
Bel hommage que cette lettre à un ami pour qui la poésie était ancrée dans le
réel. Ce réel est bien présent dans l’exposition : engagement dans les
activités du groupe surréaliste au début des années 1930, soutien à la République
espagnole (Placard pour un chemin des
écoliers, puis Dehors la nuit est
gouvernée), responsabilités dans la Résistance, plus tard accord avec
Albert Camus qui publiait L’Homme révolté,
lutte contre l’installation d’ogives nucléaires sur le plateau d’Albion…Il est
aussi présent dans les poèmes de Char.
Il est bon de s’arrêter dans sa visite ; on s’assied
ici ou là pour écouter des lectures de poèmes, les plus nombreuses par René
Char lui-même, et par de grands diseurs qui restituent sans emphase la densité
des textes : Maria Casarès, Laurent Terzieff et Jean Négroni. On écoute
également des extraits des « mises en musique » de Pierre Boulez (pas
seulement Le Marteau sans maître ou Le soleil des eaux), dont on voit les
partitions. On s’attarde dans une petite salle pour trois films tournés du
vivant de René Char, de Michel Soutter (1966), Jean-Paul Roux (1968) et Lüfti
Özkök (1972), un quatrième de Jérôme Prieur en 2007 (René Char, nom de guerre :Alexandre). On reprend le parcours,
et l’on prend le temps de lire quelques-uns des manuscrits de René Char, pour
son écriture vive et les traces du travail de l’écriture, les lettres (Gilbert
Lely, Bataille, Camus, etc.), les documents sur la résistance. On retrouve la
photographie du poète par Brassaï et par Jacques Robert, mais aussi dix autres,
mais encore les ensembles sur le Vaucluse de Pierre André Benoit (présent
également par ses gouaches) et d’Henriette Grindat. On a passé ici l’après-midi
et l’on sait que l’on reviendra.
Le catalogue, sous la direction d’Antoine Coron, répertorie et présente les
quelque 400 documents de l’exposition ; il s’ouvre sur un texte d’amitié
de Dominique Fourcade, qui avait dirigé l’important Cahier de l’Herne consacré en René Char en 1971.
©Tristan Hordé
(1) Signalons : l’exposition qui aura lieu en juillet
2007 à la Maison René Char, Hôtel de Campredon, à L’Isle-sur-la-Sorgue ;
le colloque international René Char en
son siècle, qui aura lieu du 13 au 15 juin 2007 organisé par les
Universités de Paris-III Sorbonne Nouvelle (UMR Écritures de la modernité, dirigée par Michel Collot) et de Paris
IV Sorbonne (équipe Littératures du XXe
siècle, dirigée par Michel Murat).
Exposition René Char (4 mai – 29 juillet) à la Bibliothèque
nationale, Quai François Mauriac, Paris, 13e, Hall Est ;
mardi-samedi, 10h à 19h, dimanche, 13h-19h, sauf lundi et jours fériés, 5€.
photos ©ADAGP, René Char, A la Santé du serpent, illustré par Wilfredo Lam, 1951-1952 et René Char, le Terme épars, illustré par Arpad Szenes, 1966.
René Char dans Poezibao
bio-bibliographie
de René Char (complètement remaniée et actualisée, mai 2007)
extrait
1, extrait
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4, extrait
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6, extrait
7,
Lettera Amorosa en Poésie / Gallimard