Je remercie Françoise Rétif qui a bien voulu m’adresser sa
traduction de "La Bohème est au bord de la mer", traduction qu’elle lit dans la
belle vidéo dont je donne les références ci-dessous
Je rappelle en effet que l’on peut visionner sur le site de l’exposition Monumenta deux vidéos, à mon sens
exceptionnelles par leur intérêt, dans
lesquelles François Rétif puis Jean-Pierre Lefebvre parlent respectivement d’Ingeborg
Bachmann et de Paul Celan
François
Rétif à propos d’Ingeborg Bachmann
Jean-Pierre
Lefèbvre à propos de Paul Celan
Et ce soir à 19h30, dans le cadre de l’exposition Monumenta,
au Grand Palais, Celan, Bachmann : la
poésie en dialogue avec Bertrand Badiou, chercheur à l'Unité de recherche
Paul-Celan (ENS), éditeur des œuvres de Paul Celan (Seuil), Andréa Lauterwein,
docteur en histoire de l’art, Jean-Pierre Lefebvre, traducteur de Paul Celan et
professeur à l’ENS Paris, Françoise Rétif, spécialiste d’Ingeborg Bachmann et
professeur à l’université de Rouen. Modérateur : Jean-Marie Valentin, membre de
l’académie allemande de littérature et du haut conseil culturel
franco-allemand.
Souvent adressée, la poésie de Paul Celan ouvre le dialogue, un dialogue qui
fut ininterrompue avec Ingeborg Bachmann et qu’Anselm Kiefer réactive à sa
manière. Comment se crée le dialogue autour de la poésie ? Comment la peinture
dialogue-t-elle avec la poésie ?
La Bohême est au bord de la mer
Si les maisons par ici sont vertes, je peux encore y entrer.
Si les ponts ici sont intacts, j’y marche de pied ferme.
Si peine d’amour est à jamais perdue, je la perds ici de bon gré.
Si ce n’est pas moi, c’est quelqu’un qui vaut autant que moi.
Si un mot ici touche à mes confins, je le laisse y toucher.
Si la Bohême est encore au bord de la
mer, de nouveau je crois aux mers.
Et si je crois à la mer, alors j’ai espoir en la terre.
Si c’est moi, c’est tout un chacun, qui est autant que moi.
Pour moi, je ne veux plus rien. Je veux toucher au fond.
Au fond, c’est-à-dire en la mer, je retrouverai la Bohême.
Ayant touché le fond, je m’éveille paisiblement.
Resurgie, je connais le fond maintenant et plus rien ne me perd.
Venez à moi, vous tous Bohémiens, navigateurs, filles des
ports et navires
jamais ancrés. Ne voulez-vous pas être bohémiens, vous tous, Illyriens,
gens de Vérone et Vénitiens ? Jouez ces comédies qui font rire
Et qui sont à pleurer. Et trompez-vous cent fois,
comme je me suis trompée et n’ai jamais surmonté les épreuves,
et pourtant les ai surmontées, une fois ou l’autre.
Comme les surmonta la Bohême, et un beau jour
reçut la grâce d’aller à la mer, et maintenant se trouve au bord.
Ma frontière touche encore aux confins d’un mot et d’un autre
pays,
ma frontière touche, fût-ce si peu, toujours plus aux autres confins,
Bohémien, vagabond, qui n’a rien, ne garde rien,
n’ayant pour seul don, depuis la mer, la mer contestée,
que de voir
le pays de mon choix
Traduction Françoise Rétif. Cette traduction (avec quelques légères différences) est parue dans le numéro que la revue Europe a consacré à Ingeborg Bachmann, numéro 892-893 Août-septembre 2003, p. 32.
Böhmen liegt am Meer
Sind hierorts Häuser grün, tret ich noch in ein Haus.
Sind hier die Brücken heil, geh ich auf gutem Grund.
Ist Liebesmüh in alle Zeit verloren, verlier ich sie hier gern.
Bin ich’s nicht, ist es einer, der ist so gut wie ich.
Grenzt hier ein Wort an mich, so laß ich’s grenzen.
Liegt Böhmen noch am Meer, glaub ich den Meeren wieder.
Und glaub ich noch ans Meer, so hoffe ich auf Land.
Bin ich’s, so ist’s ein jeder, der ist soviel wie ich.
Ich will nichts mehr für mich. Ich will zugrunde gehn.
Zugrund – das heißt zum Meer, dort find ich Böhmen wieder.
Zugrund gerichtet, wach ich ruhig auf.
Vor Grund auf weiß ich jetzt, und ich bin unverloren.
Kommt her, ihr Böhmen alle, Seefahrer, Hafenhuren und Schiffe
unverankert. Wollt ihr nicht böhmisch sein, Illyrer, Veroneser,
und Venezianer alle. Spielt die Komödien, die lachen machen
Und die zum Weinen sind. Und irrt euch hundertmal,
wie ich mich irrte und Proben nie bestand,
doch hab ich sie bestanden, ein um das andre Mal.
Wie Böhmen sie bestand und eines schönen Tags
ans Meer begnadigt wurde und jetzt am Wasser liegt.
Ich grenz noch an ein Wort und an ein andres Land,
ich grenz, wie wenig auch, an alles immer mehr,
ein Böhme, ein Vagant, der nichts hat, den nichts hält,
begabt nur noch, vom Meer, das strittig ist, Land meiner Wahl zu sehen.
Ingeborg Bachmann,
Gedichte 1964-1967, I, 167f.
Ingeborg Bachmann dans Poezibao
:
Note
bio-bibliographique,
extrait
1, extrait
2, extrait 3, extrait 4, ,extrait
5, extrait
6 (avec renvoi à Monumenta)
Lettres à Felician, note de lecture par
Angèle Paoli
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