Quels que soient les différents biais choisis par la poésie pour s’accomplir et se saisir elle-même, quels que soient donc ses modes, il n’y a pour elle probablement d’autre horizon que polémique. Là, rien n’est contingent. Ce régime singulier de la langue, par-delà ou en-deçà de ses particularités formelles, se reconnaît en effet précisément à ceci qu’un refus constitue sa hantise et détermine son élan. De la poésie à la conciliation, la conséquence n’est jamais bonne. On en trouve une formulation des plus efficaces chez Ossip Mandelstam, poète qui sut combien peuvent engager le fait et l’acte de résister : « le langage quotidien se trouve toujours une voie moyenne qui lui est commode. Il manifeste des dispositions tout à fait pacifistes à l’égard de la langue tout au long de son histoire, qui se traduisent par une bonne volonté à tous égards, faite d’opportunisme. La langue poétique n’est jamais définitivement "pacifiée" »1 ; Le propre de la poésie relève donc moins d’une observance littéraire que d’une effective et définitive insurrection, sensible à même la langue.
Pierre Parlant, « Hérétique Harmonium », à propos de Patrick Beurard-Valdoye, in Poésies : variations, huit études sur la poésie contemporaine, volume 3, Prétexte éditeur, 2005, p. 27.
1Ossip Mandelstam, De la poésie, Gallimard, 1990, p. 94.
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