Les relations entre la poésie et la musique sont fort anciennes.
Quand les deux ne sont pas un seul et même créateur, le musicien choisit un
texte du poète, ou le poète écrit à propos de la musique : on ne compte
pas ces dernières décennies études et poèmes, de Pierre Jean Jouve à Jean-Paul
de Dadelsen ou Yves Bonnefoy. Jean-Claude Dubois s’inscrit dans une lignée pour
qui musique et texte s’épousent étroitement : son recueil s’achève par des
conseils « pour une lecture à voix haute » qui proposent un ordre
pour alterner écoute de pièces et lecture, véritable mise en scène du texte.
Vers et proses répondent aux Nocturnes, ou aux Suites pour violoncelle seul, ou à un mouvement du Quintette en
ut de Schubert, en même temps que ces œuvres font écho aux poèmes.
La musique est d’autant plus présente que Jean-Claude Dubois dédie le recueil à
la violoncelliste Emmanuelle Bertrand et au pianiste (interprète des Nocturnes)
et compositeur Pascal Amoyel, qui jouent régulièrement ensemble. En outre,
c’est l’enregistrement d’Anner Bylsma qui est retenu pour les Suites de Bach et
l’interprète devient un personnage du texte.
Leurs adorables livre ce qu’un
amoureux de la musique peut ressentir en se donnant à des œuvres. Et les mots
disent, évidemment, autre chose que la musique. Ainsi des Nocturnes : nuit
dite, certes, mais aussi le manque, l’absence, et des questions sans réponse,
parce que l’on n’écrit pas la douleur ou la mort, ni même sans doute ce qu’est
un visage. La musique, d’une certaine manière, fait sortir de la réalité :
« Oui, il faisait nuit / et je ne le savais pas. / La musique ne m’avait
rien dit », et il peut être difficile d’y revenir (« où aller sans
l’œuvre ? »). Elle apprend aussi que cette sortie du monde est
nécessaire (« Il me faut être seul »), non seulement pour écouter
Schubert, mais pour se (re)connaître, pour rejoindre autrui – oublier dans la
musique pour mieux voir et entendre : « Tout est vivant parce que
j’ai peut-être fermé les yeux pour tout le monde ».
©Tristan Hordé
Jean-Claude Dubois,
Leurs adorables, Chopin, Bach, Schubert,
Cheyne éditeur, 2007, 14,50 euros.
Jean-Claude Dubois, né en 1955, vit dans le nord de la France. Il a obtenu le prix Roger Kowalski pour son premier recueil de poèmes, Le Bois d’absence (1988), publié aux éditions Cheyne.
Le Bois d’absence,
Cheyne, 1988
L’Épine et sa mésange, Cheyne, 1993
Le Silence parle ma langue,
présentation critique de vingt-quatre poètes du Nord-Pas-de-Calais, éditions
Rétro-Viseur, 1998
Le Canal, Cheyne, 1999, réédition
2001
Leurs adorables, Chopin, Bach, Schubert,
Cheyne, 2007
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