Rappel : ces présentations sont faites le plus souvent à partir des éléments fournis par les éditeurs.
J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, la semaine a été marquée
par la réception d’un gros paquet qui a été aussi une belle surprise, puisqu’il
signifiait le redémarrage de l’activité de Al Dante, en tant qu’éditeur.
J’ai présenté déjà par le biais de l’anthologie permanente du site deux des
livres, l’anthologie
de Raoul Hausmann et le
narré des îles Schwitters de Patrick Beurard Valdoye sur lequel je
souhaite revenir ici. Je présente également un livre très spectaculaire,
toujours chez Al Dante, Poëmes vulgos
de Julien Blaine. Belle activité éditoriale aussi pour Marie-Claire Bancquart
avec deux livres (un extrait de Verticale
du Secret déjà, dans l’anthologie permanente également). Enfin dans
cette sélection hebdomadaire, un beau livre de Chantal Dupuy-Dunier.
FT
• Patrick Beurard-Valdoye
Le narré des îles Schwitters
Al Dante, 2007
isbn : 978-2-84957-108-8 ; 336
pages.
25 €
Sont ici « narrés » l’errance et l’exil de l’artiste Kurt Schwitters à travers une Europe détruite par le nazisme. Du récit de ces évènements nait une parabole poétique terrible qui fait se confronter la solitude d’un artiste et une Europe qui se suicide.
Ni fiction ni récit ni essai biographique : le narré, comme instrument singulier susceptible d’arracher l’écriture au référent d’archive ou d’enquête – les fondements de l’ouvrage – pour lui conférer l’autonomie et la verticalité du poème (lire un extrait ici) : en prose, en prose cadencée, en versets, jusqu’au poème visuel. Le narré, de forme sans cesse mouvante, exprime la conscience du dire durant la réclusion, et sa mémoire. La poésie est une île en regard des continents langage et mémoire.
Kurt Schwitters (1887-1948), refusé au Dada de Berlin, fonde un mouvement parallèle qu’il nomme Merz (découpé du mot Kommerz dans une annonce commerciale). En 1923, il crée son grand œuvre le Merzbau à Hanovre (détruit en 1943), ensemble de structures en bois et plâtre où s’encastrent ses travaux et ceux de ses amis. Toute sa vie il exploita et diffusa inlassablement les idées maîtresses d’un art du hasard et du déchet et il a eu une influence très importante sur nombre d’artistes du XXe siècle.
A propos de Patrick Beurard-Valdoye, j’emprunte quelques lignes à un court essai de Pierre Parlant présentant des extraits du work in progress qu’était alors le Narré des îles Schwitters, dans le livre Poésies : variations, huit études sur la poésie contemporaine, vol. 3, édité par Prétexte en 2005 :
« Dès les premiers signes sur la page, lignes ou blocs – ce que l’œil voit et qui s’entend – toute une « vie moyenne » est abolie. De même est évacuée la commodité langagière douceâtre et duplice de l’échange bien réglé. Tout en déplacements et soumis à dessin à la profusion insistante du réel, cette poésie configure, toujours à nouveaux frais, ce qui est là, mais que des ignorances ou maladresses, des injustices ou incuries ont toujours déjà oblitérées, "le poète, une fenêtre qui doit rester / ouverte / sinon le monde moisit" […] Beurard-Valdoye ausculte l’inapparent avec les outils du savoir, son poème est studieux, friand de l’inédit. Les configurations paysagères, les toponymes, les noms communs, tous les noms propres et le propre des noms constituent les dépôts qu’il collige sans jamais (s)’épuiser […] Jamais rien n’est laissé de côté par le poète qui, délibérément, s’attribue la tâche du collecteur et endosse ne même temps la responsabilité du récit »
• Julien Blaine
Poëmes vulgos
Al Dante, 2007
isbn : 978-2-84957-107-1 ; 288
pages. Impression quadri, hard cover.
39 €
Spectaculaire, cet album dont le format est inusuel pour un livre de poésie, 28 x 36 cm et haut en couleurs ! Dû à l’inventeur de la poésie élémentaire, qui voit l’écriture poétique s’enrichir de tous les signes, de toutes les images que les yeux du poète ont su lire, pour créer un immense alphabet.
Julien Blaine propose ici une poésie sémiotique dans une lignée post-concrète, où lettres et mots côtoient signes, dessins, photographies, en un ensemble en constante mutation, où prime la recherche d’une juste relation au présent. Car pour Julien Blaine, la poésie s’expérimente et se réinvente à chaque instant.
J’ai choisi exceptionnellement de photographier certaines pages du livre pour mieux rendre compte de sa réalité (les images peuvent être agrandies par simple clic)
• Chantal Dupuy-Dunier Cronce, une forme en creux
Creusement de Cronce
avec des encres de Michèle Dadolle
Voix d’Encre, 2007
isbn : 978-2-35128-026-3 ; 288
pages.
17 €
à combler d’encre
Cronce, un mythe ? Une utopie ?
Un mot que Chantal Dupuy-Dunier explore, fouille jusque dans ses moindres
recoins. Un nom devenu territoire d’écriture et de poésie, à la croisée des
sons et du verbe. Un lieu étrange, village recueil qui focalise toutes les
interrogations existentielles. La parole de l’auteur se fonde sur le règne
minéral, s’ancre dans la terre, redonne vie aux êtres humains sous le geste
calligraphique haut des milans et des circaètes. Le livre est illustré d’encres
en noir et blanc ou en camaïeu de bleus de Michèle Dadolle.
• Marie-Claire Bancquart
La Verticale du Secret
Obsidiane, 2007
isbn : 978-2-916447-13-1 ; 95
pages.
14 €
« Essayer de communiquer avec le mystère de vivre, est-ce entrer dans les ténèbres ? Verticale du secret semble l’affirmer tout d’abord, avec des figures de solitude et de fragilité comme Jacob, mais se termine sur l’évocation de la tutélaire Isis. Trajet difficile, à la fois tragique et sensuel, pour le "pigiste de la vie" qu’est le poète. Conscience qu’on porte la mort et la maladie en soi, tentation des magies noires ou des désespoirs, impossibilité de pénétrer son propre corps…Mais la lumière, pour le "feudataire des riens" qu’est aussi le poète, vient d’intercesseurs très humbles, rues quotidiennes, insectes, pierres, tout comme de grands paysages ou de l’amour. Chaque partie du recueil va du noir à cette clarté qu’on tente de dire en mots rigoureux : précaire, mais porteuse d’énergie » (M.-C. B.)
Marie-Claire Bancquart publie simultanément chez l’Amourier
trois courts récits, sous le titre Impostures,
autour de Sempronia, l’amie de Catilina, de l’hérétique Aldo et de Perpetua…
sbn,
978-2-915120-41-7, 12 €.
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