Birds in the night
Le gouvernement
français, ou le gouvernement anglais peut-être ? apposa
une plaque
sur cette maison du 8 Great College
Street, Camden Town, Londres,
où dans une chambre Rimbaud et
Verlaine, curieux couple,
ont vécu, bu, travaillé, forniqué,
pendant quelques courtes semaines
orageuses.
À l’inauguration assistèrent sans doute
l’ambassadeur, le maire,
tous ceux qui furent ennemis de
Verlaine et Rimbaud quand ils étaient vivants.
La maison, comme le
quartier, est triste et pauvre,
de la tristesse morbide qui va toujours
avec la pauvreté,
non de la tristesse funéraire de la
richesse sans âme.
Lorsque tombe le soir, comme de leur
temps,
sur le trottoir, dans l’air humide et
gris, un piano mécanique
joue, et des habitants, au retour du
travail,
les uns — les jeunes — dansent, les
autres vont au café.
Courte fut l’amitié
singulière de Verlaine l’ivrogne
et de Rimbaud le voyou : ils
avaient de longues disputes.
Mais nous pouvons penser que peut-être
il y eut
un bon instant pour tous les deux, du
moins si chacun se rappelait
qu’ils avaient laissé derrière eux une
mère insupportable et
une ennuyeuse
épouse.
Mais la liberté n’est pas de ce monde,
et les affranchis
en rupture avec tout, doivent la payer
au prix fort.
Oui, ils ont vécu
là, comme le dit la plaque, derrière le mur,
captifs de leur destin :
l’impossible amitié, l’amertume
de la séparation, ensuite le
scandale ; et pour l’un
le procès, les deux ans de prison, à
cause de ses mœurs
que société et loi condamnent,
aujourd’hui tout au moins ; pour
l’autre, resté seul,
errer d’un bout à l’autre de la terre
fuyant notre monde et notre progrès
fameux.
[…]
Luis Cernuda, Désolation de la chimère [Desolación de la quimera], dans La Réalité et le Désir [La Realidad y el Deseo], poèmes traduits
de l’espagnol par Robert Marrast et Aline Schulman, choisis et préfacés par
Juan Goytisolo, Gallimard, 1969, p. 151-153 et 150-152.
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contribution de Tristan Hordé
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Birds in the night
El gobierno francés, ¿ o fue el gobierno
inglés ?, puso una lápida
En esa casa de 8 Great College Street, Camden Town, Londres,
Adonde en una habitación Rimbaud y Verlaine, rara pareya,
Vivieron, bibieron, trabajaron, fornicaron,
Durante algunas breves semanas tormentosas.
Al acto inaugural asistieron sin
duda embajador y alcade,
Todos aquellos que fueran enemigos de
Verlaine y Rimbaud cuando
vivian.
La casa e triste y
pobre, como el barrio,
Con la tristeza sórdida que va con lo
que es pobre,
No la tristeza funeral de lo que es
rico sin espíritu.
Cuando la tarde cae, como en el tiempo
de ellos,
Sobre su acera, húmedo y gris el aire,
un organillo
Suena, y los vecinos, de vuelta del
trabajo,
Bailan unos, los jóvenes, los otros van
a la taberna.
Corta fue la amistad
singular de Verlaine el borracho
Y de Rimbaud el golfo, querellándose
largamente.
Mas podemos pensar que acaso un buen
instante
Hubo para los dos, al menos si
recordaba cada uno
Que dejaron atrás la madre inaguantable
y la aburrida esposa.
Pero la libertad no es de este mundo, y
los libertos,
En ruptura con todo, tuvieron que
pagarla a precio alto.
Si, estuvieron ahi,
la lápida lo dice, tras el muro,
Presos de su destino : la amistad
imposible, la amargura
De la separación, el escándalo
luego ; y para éste
El proceso, la cárcel por dos años,
gracias a sus costumbres
Que sociedad y lei condenan, hoy al
menos ; para aquél, a solas,
Errar desde un rincón a otro de la
tierra,
Huyendo a nuestro mundo y su progreso
renombrado.
[…]
Luis Cernuda, Désolation de la chimère [Desolación de la quimera], dans La Réalité et le Désir [La Realidad y el Deseo], poèmes traduits de l’espagnol par Robert Marrast et Aline Schulman, choisis et préfacés par Juan Goytisolo, Gallimard, 1969, p. 151-153 et 150-152.
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