C’est autour du CCP,
alias Cahier critique de poésie que l’on
se réunissait hier soir au siège de l’association Ent’revues qui fait à
longueur d’années un magnifique travail d’information en ce qui concerne les revues.
Faut-il redire à quel point le CCP a
su devenir indispensable depuis sa fondation en 2000 par Emmanuel Ponsart et
Jean-Pierre Boyer. Il était alors co-édité par Farrago qui a malheureusement
cessé son activité l’an dernier de telle sorte que le cipM (centre international
de poésie de Marseille) est désormais le seul éditeur de la revue.
Je mêlerai donc ici deux exercices critiques différents, le compte rendu d’une
lecture et une note de lecture du numéro 14 du Cahier critique de poésie.
Quelques chiffres pour situer celui-ci, 14 numéros à ce jour, deux livraisons
annuelles de 300 pages bien tassées, environ 350 livres, revues, CD, DVD,
manifestations, éditions numériques chroniqués dans chaque numéro par une
centaine de collaborateurs.
De plus chaque numéro propose un dossier sur un écrivain (quelques dossiers
parmi d’autres, Franck Venaille, Louis-René des Forêts, Anne-Marie Albiach,
Jacques Roubaud) et pour les deux derniers parus
Claude Esteban et Jean Daive.
Jean Daive qui était l’invité principal de la lecture d’hier avec, pour parler
du dossier et de son œuvre (prise en l’occurrence uniquement sous l’angle de la
littérature, les activités d’homme de radio et de critique d’art étant laissées
de côté) des intervenants tels que Jacques Roubaud, Francis Cohen, Isabelle
Garron, Eric Pesty et David Lespiau. Dans la salle étaient aussi présents,
parmi beaucoup d’autres amis et fervents de l’œuvre de Jean Daive, Claude Royet-Journoud
ou Yves di Manno, un de ses éditeurs (Flammarion).
Eric Pesty, éditeur et fin connaisseur de l’œuvre de Claude Royet-Journoud dont
il a récemment publié le magnifique La poésie
entière est préposition a expliqué comment avait été composé le dossier
Jean Daive, avec pour idée principale de ne pas faire appel qu’à des habitués
ou spécialistes de l’œuvre mais aussi à des auteurs qui en seraient moins
familiers, et qui l’aborderaient avec un regard neuf. Je ne reprendrai pas ici
le sommaire mais dirai que s’y croisent notamment les signatures de
Anne-Marie
Albiach, Jacques Roubaud, Isabelle Garron, Isabelle Baladine Howald, Werner
Hamacher ou Marie-Louise Chapelle. Jean Daive a ensuite pris la parole, de
cette voix si belle que les auditeurs de France Culture connaissent bien (avec
aujourd’hui l’émission Peinture fraîche)
pour évoquer la complicité qui a marqué la réalisation de ce dossier,
notamment avec Emmanuel Ponsart et dire son bonheur de cette lecture « précise,
dirigée, active » de son travail. Il a évoqué quelques mots clés pour lui,
tels que "partition" et plus encore "partita" (point de
départ de Décimale blanche et de Narration d’équilibre), ou bien encore "transfert"
et "négatif" dans ses différentes significations, photographiques en
particulier. Il évoquera aussi sa rencontre avec le philosophe allemand Werner Hamacher,
ami de Jacques Derrida, et dont Michèle
Cohen-Halimi a traduit une contribution sur le dernier livre paru de Jean
Daive, Le grand incendie de l’homme
(Le Seuil). Puis Francis Cohen intervient autour de la notion de « délinquant
impeccable » mais ce que je retiendrai tout particulièrement de sa contribution, c’est un relevé qu’il a fait de tous les noms propres cités dans Sous la coupole (3ème volume
de La Condition d’infini, P.O.L.,
1996) et qu’il a lu en une véritable litanie où revenait sans cesse le nom de
Paul Celan : Paul, Paul Celan, Gisèle, Kafka, Paul Celan, Paul Celan,
Rilke, Buber, Hölderlin, Paul, Paul, Paul Celan, Gisèle, Paul, Paul Celan,
trois pages serrées en un seul énoncé, bouleversant.
Interviendront encore David Lespiau qui lira "Partition jaune", sa
contribution au dossier tout comme Jacques Roubaud qui dira ses "36 vues
de Décimale blanche – I" également
présentes dans la revue tandis qu’Isabelle Garron évoquera la question de l’image
dans l’œuvre du poète et racontera, de façon très intéressante et émouvante, les
suggestions qu’a pu lui faire Jean Daive qui l’a appelée à contribuer à son
émission Peinture Fraîche.
On peut dire que la qualité de cette soirée et de ses intervenants est un juste
reflet de l’importance du Cahier Critique
de poésie, sans doute la seule revue à l’heure actuelle à proposer une vue
aussi complète deux fois par an de tout ce qui s’est publié, sous quelle que
forme que ce soit, dans le domaine de la poésie mais aussi toujours un dossier
qui fait date, mettant en valeur une œuvre singulière et pas toujours
suffisamment mise en évidence par ailleurs.
©florence trocmé
photos ©florence trocmé (elles sont agrandissables par clic, simple ou double, sur l'image).
1. Jean Daive (Isabelle Garron au second plan) ; 2. Francis Cohen à gauche et David Lespiau ; 3. de gauche à droite, Eric Pesty, Jacques Roubaud et Isabelle Garron ; 4. de gauche à droite, Isabelle Garron, Jean Daive, Francis Cohen et David Lespiau (dans la glace on distingue Claude Royet-Journoud et Yves di Manno) ; 5. Jacques Roubaud
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