Une belle lecture, mercredi 14 mai, au studio Le Regard du Cygne, en haut de la rue de Belleville à Paris. A l’occasion de la parution de son livre Beau voir (bestiaire) chez P.O.L, Sébastien Smirou invite Pierre Alferi et Anne Parian à lire avec lui. C’est une lecture « 100 % animale », bestiaire oblige. Le lieu est beau : au fond d’une petite impasse, un volume assez vaste accueille plutôt habituellement danseurs et musiciens. La lecture de ce soir est une première. Pierre Alferi lit en entier L’estomac des poulpes est étonnant, paru tout récemment aux éditions de l’Attente à Bordeaux. Le poulpe est doté de plusieurs pieds (polypos) et de trois cœurs (1 + 2), il peut changer la couleur et la structure de sa peau en fonction de son humeur. Les poèmes ont une semblable plasticité, ils sont lus posément, avec affection (sans affectation). J’ai envie de me précipiter sur le livre, un objet très réussi, pour le lire avec les yeux, à mon rythme. Sur ce texte, un commentaire fin et sensible de Catherine Pomparat, sur remue.net. Anne Parian lit ensuite en entier A moi singes partout, paru en 2002 chez Contrat Maint (à l’époque à Marseille, maintenant à Toulouse). C’est un merveilleux texte que j’avais lu mais jamais entendu. Anne Parian lit de manière à détacher les mots, avec de petites espaces entre eux. Je tombe amoureux d’hélas, avec lequel le texte subtilement joue, pivot sur lequel il s’ordonne. Le mot invariable et autonome, interjection de plainte, Anne Parian le varie selon qu’elle l’emploie en tête, en fin ou en incise, selon le contexte des mots qui précèdent et suivent. En l’entendant, il me semble que tout le xviième siècle y est contenu. Enfin, Sébastien Smirou lit des parties de son bestiaire (à l’égal de Mon Laurent construit sur le chiffre 8, infini redressé). Comme avec Pierre Alferi j’ai très envie de lire ces textes que je ne connais pas encore, de m’y attarder longtemps, d’y revenir. La lecture de Sébastien Smirou est rare de douceur, d’intimité, les mots semblent versés directement dans l’oreille. Je sors de cette triple lecture dans un état rêveur, pensant à « l’animal que donc je suis », mais que je m’évertue à oublier.
Une contribution d’Eric Houser