La poésie n’est
certainement pas dans les choses, autrement tout le monde l’y découvrirait
aisément, comme tout le monde trouve si naturellement le bois dans l’arbre et
l’eau dans la rivière ou l’océan. Il n’existe pas non plus par conséquent, de
choses ni de mots plus poétiques les uns que les autres, mais toutes choses
peuvent devenir à l’aide des mots poésie, quand le poète parvient à mettre son
empreinte dessus. La poésie n’est en rien ni nulle part, c’est pourquoi elle
peut être mise en tout et partout. Mais rien ne s’opère sans une véritable
transmutation des valeurs. Dans l’impuissance à la saisir, à l’identifier où
que ce soit, on a préféré déclarer qu’elle régnait partout et qu’il suffisait
de savoir l’y découvrir. Or, il est parfaitement évident qu’elle est plutôt une
absence, un manque au cœur de l’homme, et, plus précisément dans le rapport que
le poète a le don de mettre à la place de cette absence, de ce manque. Et il
n’y a poésie réelle que là où a été comblé ce vide qui ne pouvait absolument l’être
par aucune autre activité ou manière réelle de la vie.
Pierre Reverdy, "Circonstances de la poésie", dans Sable mouvant, Au soleil du plafond, La Liberté des mers, suivi de Cette émotion appelée poésie, édition d’Étienne-Alain Hubert, Poésie/Gallimard, 2003, p. 112-113. Deux autres notes sur la poésie de Pierre Reverdy, 1, 2
contribution Tristan Hordé