Née à Paris le 28 mars 1930 d’une mère d'origine
anglaise (Marion Cave) et d’un leader antifasciste italien exilé en France
(Carlo Rosselli, fils de l'écrivaine et dramaturge vénitienne Amelia Pincherle
Moravia et fondateur du mouvement Giustizia e libertà), Amelia Rosselli assiste
au double homicide de son père Carlo et de son oncle (Nello Rosselli). Le 9
juin 1937 à Bagnoles-de-l'Orne (Normandie). Un assassinat commandité par
Galeazzo Ciano et Benito Mussolini, et perpétré par un commando de neuf miliciens
fascistes. Traumatisée par ces morts violentes, Amelia Rosselli reste
psychiquement marquée à vie. Régulièrement accueillie dans des hôpitaux
psychiatriques pour dépression nerveuse, Amelia Rosselli se dit aussi atteinte,
à partir de 1969, de la maladie de Parkinson.
Après avoir effectué de nombreux déplacements entre
l’Europe et les États-Unis, Amelia Rosselli s’installe en Italie en 1948. À
Florence d’abord, puis à Rome. Elle partage son temps entre les études ―
littérature, philosophie, mathématiques ―, la recherche musicale (à Darmstadt,
elle côtoie John Cage dont elle devient l'amie) et la traduction. Elle traduit
notamment les œuvres d’Emily Dickinson et de Sylvia Plath. Dans le même temps,
elle se lie d’amitié avec Rocco Scotellaro (qui l’introduit dans le milieu
littéraire romain), Carlo Levi, Niccolò Gallo, Renato
Guttuso.
À la fois musicienne et poète, Amelia Rosselli
commence à écrire en 1950. Elle poursuit l’objectif de « faire du poème
une pièce poétique ». Dans son essai Spazi metrici (1962, publié
dans Variazioni belliche, 1964), Amelia Rosselli déclare n’avoir jamais
dissocié, dans son travail sur la langue, problématique musicale et forme
poétique. La recherche d’un langage universel qui coïnciderait avec la
libération immédiate, à l’intérieur de la langue, des mécanismes psychiques
profonds présidant à sa formation, aboutit à une sorte « d’esperanto
émotif », à peine contrôlé par la conscience.
Le poème « La libellula », écrit en 1958 (publié en 1969 dans le recueil Serie ospedaliera, puis en 1985 chez Sellerio), rend compte de l’originalité de « l’expérience associative » à laquelle Amelia Rosselli est attachée. L’expérience privée d’un plurilinguisme « apatride », associée à des lectures personnelles très poussées, contribuent à l’élaboration d'une écriture poétique très particulière, qu'Elio Vittorini sera l'un des premiers à reconnaître, et Pasolini à définir ; la qualifiant d'« écriture de lapsus » dans l'avant-propos de la publication de vingt-quatre des poèmes d'Amelia Rosselli (revue littéraire Il Menabò 6, Giulio Einaudi Editore, Torino, 1963). Lapsus comme « erreur créatrice » ou révolution sémantique, cette poésie écrite-parlée rend compte, à la manière d’un décalque, du désarroi métaphysique qui conduira Amelia Rosselli au suicide, dans l'après-midi du dimanche 11 février 1996, du haut d'une mansarde de la via Del Corallo à Rome. Trente-trois ans, jour pour jour, après celui de Sylvia Plath (11 février 1963).
©Angèle Paoli
Bibliographie
Les œuvres d’Amelia Rosselli ont d’abord été publiées dans des revues. Puis
rassemblées dans différents recueils.
Variazioni belliche voit le jour chez Garzanti en 1964 (avec une
postface de Pier Paolo Pasolini). Viennent ensuite:
Serie
ospedaliera
[comprenant le poemetto « "La Libellule" »] (Il Saggiatore-Alberto
Mondadori, Milano, 1969) ;
Documento 1966-1973 (Garzanti, 1976) ;
Primi scritti 1952-1963 (Guanda, Parma, 1980) ;
Impromptu, Edizioni
San Marco dei Giustiniani,
Genova, 1981, rééd. 2003* ; trad. fr. Éd. Les Feuillets
de Babel, 1987. Traduction de
Jean-Charles Vegliante) ;
Appunti sparsi e persi 1966-1977 (Cooperativa Editoriale Ælia Lælia,
Parma, 1983 ; Edizioni Empirìa, collana Sassifraga, Roma, 1997) ;
La libellula, Sellerio Editore, Milano, 1985 ; ried. 1996 ;
Antologia poetica, Garzanti, 1987. Édition établie par Giacinto
Spagnoletti. Préface de Giovanni Giudici ;
Sleep. Poesie in inglese [1953-1966]** (Rossi & Spera, Roma,
1989 ; Garzanti, 1992. Traduites
en italien par Antonio Porta et Emmanuela Tandello sous la supervision de l'auteure
; Sonno-Sleep, Edizioni San Marco dei Giustiniani, Collana Quaderni del
tempo, Genova, 2003. Préface de Nino Lorenzini) ;
Diario ottuso 1954-1968 [unique livre de prose publié par Amelia
Rosselli] (IBN [Istituto Bibliografico Napoleone] Éditions, collana La ruota,
Roma, 1990. Préface d'Alfonso Berardinelli ; Edizioni Empirìa, collana
Euforbia, Roma, 1996) ;
Le poesie (Garzanti, 1997 ; ried. collana Gli Elefanti, 2007. Préface de Giovanni Giudici. Édition établie par Emmanuela Tandello)
;
Una scrittura plurale. Saggi e interventi critici (Interlinea, collana
Biblioteca di Autografo, Novara, 2004. Édition établie par Francesco Caputo) ;
La furia dei venti contrari, Variazioni
Amelia Rosselli.
Lettere a Pasolini, 1962-1969 (Edizioni San Marco dei Giustiniani,
collana Quaderni del tempo, Genova, 2008. Édition établie par Stefano
Giovannuzzi).
En français
Impromptu, Les feuillets de Babel,
1987
Amelia Rosselli est aussi présente dans le double numéro de la revue Po&sie (109 et 11°) consacré à « 30
ans de poésie italienne », avec un texte théorique ″espaces métriques″
dans le numéro 110 et des poèmes dans le n° 109. Elle est également présente
dans le numéro 583 de la NRF, dans le dossier ″Poésies italiennes, 1″, proposé
par Philippe di Meo.
Un poème
dans le Nouveau Recueil
Sur Terres de Femmes, le poème Adolescence, que l’on peut entendre Amelia Rosselli lire, en
français, sur youtube (d’autres liens vers des archives sonores sur la
page de Terres de Femmes)
Contribution d’Angèle Paoli