Jean Maison (auteur du très beau Consolamentum chez Farrago/ Leo Scheer en 2003) décrit ainsi le travail de Jan Voss : « Le sillage est un entre-deux-mondes / qui permet de raccorder les choses après l’urgence / de l’inspiration, passant du tapage au silence, / de l’écorce à l’aubier ». C’est aussi bien sa propre approche de l’œuvre qu’il révèle ainsi. Ce long poème, composé le plus souvent de vers amples, fluides et ciselés (mais donnant l’apparence d’une telle légèreté ! —d’une évidence, faudrait-il dire sans doute), trace pour le lecteur un parcours du regard qui frappe par sa cohérence et sa liberté. Seule une fréquentation longtemps assidue des travaux de Voss rend une telle parole possible.
Face à ce qui fascine mais trouble, peut faire perdre pied (il faut justement ici louer l’importance de quelques très belles reproductions couleur et, en bas de chaque page, la présence d’un dessin N&B, qui aident à préciser le regard), Jean Maison nous donne certains repères, trace comme un « alphabet » avant de s’enfoncer dans l’univers du peintre — dans l’espoir de dégager une « cohérence » à cet « enchevêtrement ». Le trait offre alors comme un salut, moins religieux qu’éthique et philosophique dès lors qu’il s’agit de « chercher les ombrages / en nous-mêmes » pour sortir ainsi de notre caverne-monde. Et si le trajet de ce livre passe du « fatras destiné à l’errance » à un « chemin d’ordre », c’est que le poète, avec réserve (se situant dans l’effacement du discret), s’interroge sur la possibilité d’être de l’homme — dans notre monde.
Pourtant, cette méditation fructifère n’a rien d’austère. Une sensualité épurée mais riche permet de traduire comment, dans les œuvres de Jan Voss, le multiple et le divers se précipitent dans une sorte d’unité que Jean Maison, avec bonheur, maintient, tout en retournant sans cesse à la source du geste, ouverte !
Contribution de
François Rannou
Jean Maison
Jan Voss
Éditions Virgile, coll. Carnets d’Ateliers
(4è trimestre 2008, 120 pages, 14 €)
Sur le site Place des Libraires