des
cratères de la langue peuvent concourir au grade du mot de poésie. il s’agit de
inhumanité en effet alors toujours. la poésie ne peut consister que dans la
crue, l’effraction, par la crevaison des muqueuses de la langue, du réel
immédiat, sans chiffre, sans titre, sans clé comme, bien sûr, sans nom. la
langue organe de la signification, du nourrir, de la ventilation, du sexe, de l’amour,
cela est trop, trop mille fois. lorsque une correction, déchirante, puisque une
déchirure d’abord toujours, s’opère par hasard dedans tel bilan, une
éventration des fonctions amidonnées de la langue, cela, si de la matière-de-réel
en ressort grandie alors, peut postuler au chef de poésie – ce qui, à l’aune du
complexe buccologique susdit, signifie : à l’autorisation de ne rien dire,
à ne plus dire plus que du (de le) rien même
Jean-Michel Reynard, sans sujet, Lignes, 2008, p. 23
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