À la musique
Musique : respiration des statues. Peut-être :
silence des tableaux. Ô langue où les langues
finissent. Temps vertical
perpendiculaire à la ligne de fuite des cœurs.
Sentiment vers qui ? Ô toi, métamorphose
des sentiments en quoi ? — : en partage audible
Toi l’étrangère : musique. Surgeon sorti de nous,
cœur espace. Être le plus intime
qui nous surpassant, s’affranchit, —
adieu sacré ;
quand l’intérieur nous encercle
tel l’horizon le plus exercé, l’autre
versant de l’air :
pur,
gigantesque,
inhabitable.
Rainer Maria Rilke, Œuvres poétiques et théâtrales, édition publiée sous la direction de Gérald Stieg, traduction de Marc Petit pour ce poème, La Pléiade, Gallimard, 1997, p. 1025.
À la musique
Musique : souffle des statues. Ou bien :
silence des images. Parole où la parole
cesse. Temps perpendiculaire
au naufrage des cœurs.
Sentiments, mais pour qui changés ?
En quoi ? En paysage pour l’ouïe.
Musique, ô étrangère. Ô espace du cœur
soudain trop grand pour nous. Intimité
qui nous surpasse pour sortir,
adieu sacré ;
puisque l’intime nous entoure
comme lointain très exercé, comme versant
autre de l’air ;
pur,
énorme,
inhabitable désormais.
Rainer Maria Rilke, Poèmes épars, 1907-1926, choisis et traduits par Philippe Jaccottet, dans Œuvre II, Poésie, édition établie et présentée par Paul de Man, Le Seuil, 1972, p. 435.
Contribution de
Tristan Hordé
Voici une autre traduction, dont le début a été relevé dans le livre de Thierry Martin-Scherrer, l’Exil musical. Poezibao est à la recherche de l’auteur de cette traduction et de sa source exacte (éditeur, année, folio)
Musique : haleine des
statues. Peut-être :
Silence des images. Tu es parole là où les paroles
finissent. Toi temps
planté à la verticale de la direction des cœurs passants.
pour qui ces sentiments ? O toi sentiment changé en
quoi ?
–en paysage audible.
Toi étrangère : la musique. Toi qui nous fait sortir de l’espace du cœur.
Au plus intime de nous, nous dépassant et nous poussant hors de nous :
adieu sacré :
là en nous l’intérieur nous assiège
comme lointain le plus balisé,
comme l’autre versant de l’air
pur,
immense,
inhabitable désormais.
Version originale du poème :
An die Musik
Musik: Atem der
Statuen. Vielleicht:
Stille der Bilder. Du Sprache wo Sprachen
enden. Du Zeit
die senkrecht steht auf der Richtung
vergehender Herzen.
Gefühle zu wem? O du der Gefühle
Wandlung in was?— in hörbare Landschaft.
Du Fremde: Musik. Du uns entwachsener
Herzraum. Innigstes unser,
das, uns übersteigend, hinausdrängt,—
heiliger Abschied:
da uns das Innre umsteht
als geübteste Ferne, als andre
Seite der Luft:
rein,
riesig
nicht mehr bewohnbar.
Rilke
dans Poezibao :
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de Requiem (parution Points), 5 traductions du début de la 1ère élégie de Duino
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