En
résonance avec la tournée française de Raymond Federman (voir le compte rendu de la rencontre-lecture du mardi 21 avril, à
Paris), Poezibao propose trois textes
dans cette anthologie permanente et des notes sur la poésie.
Fuite
ma vie a
commencé dans un placard
sous les dépouilles et la poussière
je suçais les morceaux de sucre volés
dehors la lune à petits pas arpentait le toit
ponctuant le début de mon surcroît de vie
replié dans la fragilité de mon aventure
la curiosité me poussa dans l’escalier
mais je butai sur la douzième marche
et les portes ouvrirent des yeux muets
d’effarement devant ma nudité
pendant que je courais sous le ciel indifférent
les mains serrées sur un paquet de peur
une étoile jaune tomba du ciel
et frappa ma poitrine
c’est alors qu’il m’attrapèrent
et m’enfermèrent dans une boîte
qu’ils trainèrent partout sur la terre
pour figurer ma honte
autour ils se battaient à coups de pierres
et faisaient des étoiles un énorme brasier
tous les jours ils venaient me toucher
mettre leurs doigts dans ma bouche
et me marquer de noir et de bleu
mais par une fissure dans le mur
je vis un arbre en forme de feuille
et un matin un oiseau me vola dans la tête
je me mis à aimer si fort cet oiseau
que quand mon maître à l’œil bleu
regarda le soleil et s’aveugla
j’ouvris la cage et cachai
mon cœur dans une plume jaune
Raymond
Federman, Futur concentration, Le Mot
et le reste, 2003, p. 11, cité in Federman
hors limites, rencontre avec Marie Delvigne, Argol Editions, coll. Les
singuliers, 2008, p. 20.
On
peut lire dans le compte rendu de la lecture rencontre avec Federman à Paris,
qu’il a dit au sujet de ce poème que « tout y était ».
•
refusant
toute catégorisation
il perplexe les experts
qui ne peuvent comprendre
d’où il vient
né nulle part
mais étant partout
en même temps
il arrive constamment
et s’en va en emportant
avec lui le paquet
de souvenirs tatoués
sur sa peau
de crainte qu’il les oublie
avec effronterie
il abuse le langage
inconnu de ce pays
qui s’étend entre
ici et ailleurs
entre la mémoire
et l’oubli
il joue avec les mots
pour construire en spirale
un récit fait de digressions
qui annulent les vieux souvenirs
mais il n’a peur de rien
car son récit infernal
est épicé d’indifférence
et adouci par le rire
Raymond
Federman, ci & ailleurs/here &
Elsewhere, p. 16-17, Le Mot et le
Reste, 2003, cité in Federman hors
limites, rencontre avec Marie Delvigne, Argol Editions, coll. Les
singuliers, 2008, p. 144.
•
[...]
je
me souviens du jour quand Sam
m’a dit – il avait mon âge – 77 ans−
j’étais chez lui et il venait de finir
un de ces petits trucs – on était
dans son bureau en train de
siroter du bon Irish Jameson –
il montre le truc qu’il venait
de pondre – c’était pas très long −
je le lis et je dis à Sam −
Sam c’est formidable incroyable
tu y es arrivé – tu as enfin
atteint la perfection −
Sam me met la main sur l’épaule
et me dit avec de la tristesse
dans les yeux – non Raymond
c’est pas encore ça −
je
lui ai pas demandé ce que
c’était que ce ça – ça quoi ?
le
petit truc qu’il avait écrit
et que je venais de lire
ça s’appelait Worstward Ho −
Cap au pire −
[...]
Raymond
Federman, texte inédit, Federman hors
limites, rencontre avec Marie Delvigne, Argol Editions, coll. Les
singuliers, 2008, p. 157.
Raymond
Federman dans Poezibao :
Bio-bibliographie, in le Matricule des Anges n° 68, in Fusées, n° 9, extrait 1, La voix dans le débarras
(parution), Anniversaire (note La
Voix dans le débarras et à la queue
leu leu), extraits
2, Federman hors-limite
(par T. Hordé), rencontre avec Raymond Federman, 21 avril 2009 (avec des
photos)
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