Poezibao poursuit la publication de l'article qu'Auxeméry consacre à César Vallejo à l'occasion de la publication d'un volume de son oeuvre aux éditions Flammarion
En 1927, il reçoit des nouvelles de son affaire
péruvienne : le tribunal persiste dans les poursuites à son endroit ;
il est confirmé dans sa décision d’avoir fui son pays. Il quitte cependant son
emploi à l’agence de presse et refuse le versement de la bourse espagnole. Sa
situation financière se dégrade.
En 1928, il lit la littérature marxiste et entre au Parti Communiste. En
septembre, il fait son premier voyage (il en fera trois) en Russie soviétique,
et en compagnie d’autres expatriés, forme les bases du Parti Socialiste
Péruvien.
Janvier 1929 : il vit avec Georgette Philipart ; il l’a rencontrée à
son arrivée à Paris (après quelques autres relations, en particulier avec une
belle modiste, Henriette, au pittoresque « langage de cocotte »).
Ernesto More, l’ami avec lequel il « partagea ses quignons de pain »,
a été le témoin de cet amour lumineux entre le poète sud-américain et la francesita venida a menos, « la
petite française tombée dans la misère ». L’histoire a duré jusqu’au
mariage en 1934 : les difficultés financières, ainsi que la détérioration
de la santé de César, mettront leur union à l’épreuve. Yo siempre estoy sola, con Vallejo o sin Vallejo, « Je suis
seule, avec ou sans Vallejo. », dira-elle en confidence à More, pour
décrire son existence avec cet être torturé.
Il ne veut plus écrire de poésie, pour se consacrer à la rédaction d’un ouvrage
marxiste théorique. Il laissera à sa mort une somme assez conséquente de
matière, plusieurs centaines de pages.
Vallejo est arrêté par la police dans une gare parisienne en
décembre : il est sommé de quitter le pays. Il revient à Madrid où, en
1931, il écrit un roman, El tungsteno.
La Monarchie tombe et la République est proclamée ; Vallejo rejoint
officiellement le Parti Communiste Espagnol, devient l’ami de Garcia Lorca, et
après la parution de Rusia en 1931,
il acquiert une notoriété relative. Ses productions suivantes ne trouveront
toutefois pas d’éditeur.
De retour à Paris en janvier 1932, Georgette trouve l’appartement mis à sac par
la police. Pendant ce temps, César tentait désespérément d’établir des contacts
avec les maisons d’édition madrilènes. Après avoir enfin obtenu un permis de
séjour en février 1933, il revient à Paris sans autre bagage que les vêtements
qu’il a sur le dos. Les conditions d’obtention de ce permis précisaient bien
entendu une interdiction de quelque activité politique que ce soit.
Les années suivantes, de 33 à 36, sont les plus sombres de son existence. Après
leur mariage, l’impécuniosité de César et Georgette prend un tour dramatique.
Vallejo trouve enfin un emploi d’enseignant en 1936. La montée du fascisme en
Espagne, en juillet, lui inspire un regain de créativité spectaculaire. La
lutte anti-fasciste, pour la défense de la cause « loyaliste » (celle
du gouvernement républicain légal, que Franco et ses sbires cherchent à
renverser), lui donne l’occasion de développer une forme de « poésie
populaire », d’où le reportage de guerre n’est pas absent, tout en conservant
à son travail cet aspect sinon hermétique (le mot serait controuvé, dans le cas
de Vallejo : il révèle une paresse de perception), du moins éloigné des
conventions de pensée et des lieux communs d’expression, qu’il a toujours eu.
Départ, à nouveau, pour l’Espagne, en juillet 1937. La guerre civile fait rage. Vallejo prend part au Second Congrès International des Écrivains pour la défense de la Culture, en tant que représentant de son pays d’origine. En Espagne, il a visité le front et vu l’horreur des combats. De retour à Paris, il écrit une tragédie en quinze tableaux, La piedra cansada (« La pierre fatiguée »), et dans le même élan de création, de septembre au début de décembre, vingt-deux des vingt-quatre poèmes de Sermon de la barbarie (intégrés au reste de l’œuvre, par la suite), ainsi que quinze des poèmes qui constitueront España, aparte de mi este cálize.
Début mars 1938, les années de privation, de fatigue accumulée et de déception après l’expérience espagnole, vont aboutir à l’inéluctable. Vallejo contracte une fièvre persistante, au point de ne pouvoir bientôt quitter le lit. Il reçoit des soins, mais sans effet. On ne sait par quel moyen combattre le mal ; son épouse fait même appel aux astrologues. Le 15 avril au matin, les Fascistes atteignent la Méditerranée, coupant le territoire tenue par les Loyalistes en deux. Coïncidence, Vallejo crie du fond de son lit : « Je vais en Espagne ! Je veux aller en Espagne ! » et il meurt. C’est le Vendredi Saint. Le registre de la clinique porte la mention d’une « infection intestinale sévère ». Son corps est enterré à Montrouge. Dans les années 60, Georgette, qui vivait à Lima, fait transférer ses restes au cimetière de Montparnasse.
Me moriré en Paris con
aguacero
un día del cual tengo ya el recuerdo.
Me moriré en Paris – y no me corro –
tal vez un jueves, como es boy, de otoño.
« Je mourrai à
Paris sous la pluie,
un jour dont je me souviens déjà.
Je mourrai Paris et je ne me dérobe pas
peut-être un jeudi d’automne, comme aujourd’hui. »
(Piedra Negra sobre una Piedra Blanca, « Pierre noire sur pierre blanche »)
Les poèmes cités dans cette biographie sont extraits de la
nouvelle version proposée par la collection Poésie, chez Flammarion. La
traductrice, Nicole Réda-Euvremer, nous donne également une préface éclairante
– introduction à l’œuvre d’un poète assez injustement traité jusqu’à présent
chez nous.
Ce travail on ne peut plus honnête nous délivre tout d’abord en effet de la
version antérieure, chez le même éditeur, – qui combinait, de façon indécente,
divers et laborieux maniérismes (un seul exemple : « nervement »
pour rendre le néologisme nervazón, qu’un désormais logique
« nervaison » rend aisément), à-peu-près (on n’y comptait plus les
vers tronqués, les disparitions de membres de phrases, les lourdeurs voulant
passer pour des bonheurs d’expression…), coquilles énormes (un « né »
à la place de « nié », entre autres, tout de même…!) et de franches
idioties.
Un dernier exemple, alliant le snobisme à l’imprécision… Soit les deux premiers
vers de Para el alma imposible de mi
amada : Amada: no has querido
plasmarte jamás / como lo ha pensado mi divino amor... Notre fantaisiste
disait donc : « Aimée : jamais voulu tu n’as te concréter/comme
l’avait pensé mon amour divin… » Monsieur Jourdain, revenez !
Il est vrai que ce même traducteur, alors, nous avait aussi gratifié d’un
parfait massacre de l’Altazor de
Vicente Huidobro, heureusement rédimé depuis par la version intitulée Altaigle de Fernand Verhesen aux
éditions Unes). Le plaisantin, digne du pontife des lettres friand d’
« imbécillités », d’avant-gardiste à la mie de pain, est depuis
devenu romancier à succès. – Impossible de ne pas parler de ce genre de travaux
bâclés ou frauduleux, si l’on veut apprécier maintenant le nouveau texte
français…
La version de Nicole Réda-Euvremer traduit les deux vers cités ci-dessus simplement, – comme il se doit, devrait-on dire : « Aimée : tu n’as jamais voulu prendre forme/ comme l’a pensé mon amour divin… » (« Pour l’âme impossible de mon aimée »). Tout ridicule possible est ainsi effacé. La pensée est honorée ; la forme est respectée. Le poème suit sa ligne dès le départ, faite de vénération inspirée par la tradition catholique dont Vallejo était tributaire, et de détournement expressif – dans la surprise que peut occasionner la fin de la phrase –, et signifiant – dans un contexte péruvien marqué par cette tradition, et ici renouvelé dans le sens d’une modernité douloureuse, où un certain romantisme désuet s’efface devant une nécessité autrement plus impérieuse : dire la souffrance sans déchoir, exprimer l’amour sans sombrer dans la niaiserie, ni bien sûr cet alexandrinisme pseudo-avant-gardiste que nous venons de croiser.
S’il est certes une œuvre qui demande, mérite, exige
considération pour l’esprit autant que pour la lettre, et tact dans le
traitement que la traduction doit lui réserver, c’est bien celle de Vallejo.
Cette poésie touche directement qui la pratique. Pourvu que le lecteur se
tienne dans un état de réceptivité particulier – ou plutôt si ce lecteur veut bien
s’ouvrir à une tonalité singulière, car les mots sont employés là avec une
précision qui dépasse la simple nécessité de se faire uniquement appréhender
par l’intellect raisonnant –, une résonance immédiate se produit : plus
que d’être compris, le poème de Vallejo demande à être entendu, et requiert la
faculté de suivre les variations intimes de la langue elle-même, chargée là de
tant de poids d’être, de patience – constance & souffrance – dans la
passion de vivre. L’âpreté sans fard du propos, l’intelligence manifeste (de
cette intelligence qui engage l’être entier, quant à son rapport au réel) dont
cette œuvre est imprégnée réclame attention soutenue, ouverture et pénétration
sans préjugé, et surtout pas préjugé poétique, afin que ses répercussions sensibles
aient chance d’advenir.
Impossible aussi, bien entendu, d’analyser cette poésie
comme relevant d’un seul répertoire, qui serait reconnaissable, et rassurant.
C’est que Vallejo joue précisément sur plusieurs registres, et se livre à des
fréquents glissements de l’un en l’autre, parfois dans le même poème. Les
tensions internes qui travaillent la langue génèrent des hoquets, des
fragmentations, des silences… Le travail du traducteur sera par conséquent
celui d’un artisan vigilant : il s’agit de ne rater jamais le moment où
ces distorsions, ces ambiguïtés, ces ambivalences déposent, sans se laisser
aller à des jeux d’équivalences gratuits…
La parodie, chez Vallejo, côtoie le pathos, une forme aiguë, maladive, de
sentimentalisme est rongée par l’ironie sous-jacente, la braise consume
d’emblée le mot, ou couve sous le sens. La phrase se fait constellation –
échos, souvenirs, influences : les traditions littéraires se télescopent à vive
allure ; l’éducation reçue vient saborder la culture acquise dans les livres,
à moins que ce ne soit ce savoir qui pervertit ce que l’enfance a emmagasiné.
Incertitudes, sentiment de la faute, désarrois, enthousiasmes aussi, mais comme
scellés d’angoisse… La honte devant la souffrance d’autrui vient sanctionner le
plaisir qu’on prendrait à satisfaire ses propres désirs.
Dans Les Hérauts noirs, le premier livre (1918), Vallejo affronte ses démons, droit venus de la théologie catholique : sexualité et péché sont, dramatiquement, confondus. Avec Trilce (1922), nostalgie des liens familiaux, des bonheurs effacés par le temps et la nécessité de devenir adulte, de se mesurer au danger qui menace : « Fournil ardent de mes biscuits d’antan/ pur jaune enfantin innombrable, mère… » (Poème XXIII). La religion ne permet plus de prendre en charge l’anxiété de l’être soumis aux aléas de l’existence ; sa rhétorique s’absente, le langage se fait là souverain, dans sa spécificité personnelle ; la solitude du poète induit une expression qui ne trouve plus ses propres ressources qu’en elle-même. Les Poèmes humains ont été publiés après la mort de Vallejo ; de même, les poèmes d’Espagne, écarte de moi ce calice, publié en 1939 par les Républicains, comme l’Espagne au cœur de Neruda : là, ce sont d’autres sentiments, ceux de l’angoisse collective, de la compassion, mais imprégnée d’une attention particulière aux problèmes du monde.
À l’instar de Pablo Neruda comme de Rubén Darío, Vallejo est
une figure majeure de la poésie américaine d’expression hispanique. Il partage
avec eux une origine curieuse : rien ne prédisposait ces trois hommes à ce
destin littéraire. Il est né dans son hameau de montagne d’une lignée
singulière, Darío est un enfant illégitime issu d’un village isolé du
Nicaragua, et Neruda le fils d’un employé des chemins de fer d’une région perdue
du Chili. Venus tous trois de leurs provinces, ils sont allés rejoindre les
cités neuves de la modernité et s’intégrer aux centres de la vie culturelle
internationale. Vallejo est le seul des trois à n’avoir été reconnu qu’après sa
mort, après une vie marquée par la misère et la douleur d’être, et la
conscience du malheur universel.
Darío a été le père du modernismo
dans le monde hispanophone américain : Borges comme Paz, pour prendre deux
exemples tout aussi célèbres, en sont les héritiers : comme lui, ils
tiennent que les paramètres de leur production personnelle n’ont plus rien à
devoir à la littérature européenne ; d’ailleurs la littérature espagnole
elle-même subit au début du xxe
siècle le même genre de
transformations avec Jiménez ou Lorca, entre autres… Neruda, lui, qui deviendra
le récipiendaire et du prix Lénine et du prix Nobel, a défini la langue qu’il
utilise dans de très larges limites où le lyrisme d’une ode sait naître de la
considération d’un objet quotidien comme une ample et fluente versification
peut se mettre à chanter avec pathos. La différence entre Neruda et Vallejo est
sensible dans le traitement réservé à cette affaire de la Guerre Civile. Dans
Espagne au cœur, Neruda exprime souffrance et indignation, mais aussi des
certitudes, une foi assurée de ses fins :
« Mais de chaque brèche en Espagne
l’Espagne se relève
mais de chaque enfant mort se relève un fusil avec des yeux,
mais de chaque crime naissent des balles
qui trouveront un jour leur cible
dans vos cœurs. »
La réponse de Vallejo est beaucoup plus angoissée et incertaine, malgré l’engagement réel et fort du poète dans le combat. Du premier au dernier des poèmes, d’un bout à l’autre d’Espagne, écarte de moi de calice, ce tremblement parcourt la parole de Vallejo :
« Volontaire d’Espagne, milicien
aux os dignes de foi, quand marche ton cœur pour mourir,
quand il marche pour tuer avec son agonie
mondiale, vraiment je ne sais
que faire, où me mettre… »
(Hymne aux volontaires de la République)
[…]
« … si notre mère
Espagne tombe – enfin, c’est façon de parler –
Partez, enfants du monde ; partez la chercher… ! »
(Espagne, écarte de moi ce calice)
Mais si l’on veut apprécier l’œuvre de Vallejo dans son originalité et son authenticité – celles d’un homme qui assimile et recrée, qui va puiser à toutes les sources pour tracer le cours exact et vigoureux de son propre fleuve, il faut lire ses poèmes dans leur ordre, et voir se moduler une voix qui porte avec les temps, avec les épreuves, avec une constante application à coïncider avec soi.
Dans son premier âge, Vallejo a tout lu, aussi bien des
classiques espagnols (Quevedo, Lope…) que des Péruviens antérieurs, auxquels
une part de son sentimentalisme, mais très resserré, dirions-nous, comme épuré
par le traitement de la langue, est redevable…
Un critique, Antonio Armisén, a montré que la fréquentation des poètes de l’Âge
d’Or est aussi sensible dans les Hérauts
noirs que dans les Poèmes Humains.
Le sonnet « Intensité et altitude » (page 314), qui commence par
« Je veux écrire mais il me vient de l’écume… » n’est pas uniquement
une variation sur un sonnet de Lope de Vega qui commence par « Je veux
écrire, mais mes larmes m’en empêchent », mais est, bien plus, une
« déconstruction de la langue poétique et religieuse », dit Armisén,
incluant même Jean de la Croix.
Le titre des Hérauts noirs est un
hommage à Darío, qui avait intitulé un de ses poèmes précisément « Los
heraldos » ; mais l’autre figure dont Vallejo est tributaire est
celle de Baudelaire, pour la noirceur. L’idiome symboliste de Darío et du
premier Juan Ramón Jiménez donne lieu à une esthétique dont l’intensité est
palpable dès la première ligne :
Hay golpes en la vida, tan fuertes… Yo no sé !
« Il est des coups dans la vie, si rudes… Je ne sais ! »
Ce n’est pas tant dans les mots eux-mêmes que le pathos est
sensible, mais précisément dans le silence de l’ellipse. Pathos : ce mot
étant ici employé pour désigner l’exact contraire de son acception courante de
déclamation ostentatoire, et revenir à son étymon d’épreuve, de peine qui étrangle,
et cependant demande expression, comme de sombre joie, qui veut traces laisser.
Voix brisée, souffle court, impossibilité de terminer la phrase, impossibilité
de s’en remettre même à un dieu compatissant : la souffrance humaine est
là, dans le présent éternel de la misère.
Les « coups » dont parle Vallejo furent la part constante de son
destin.
Durant une de ses hospitalisations, Vallejo écrit à un ami, Pablo Avril de Vivero :
« Dans la vie, Pablo, il existe une obscure noirceur, au plus près de toute consolation. Il est des heures qui sont plus sinistres et atroces que notre propre tombe…Dans ma convalescence il m’arrive de pleurer souvent sans la moindre raison. Une propension enfantine aux larmes m’a saturé d’une immense pitié pour tout. Je pense souvent à chez moi, à ms parents, et à l’affection perdue. Un jour je finirai par mourir dans le cours même de cette vie à risques qui a été mon lot, et alors, comme aujourd’hui, je me retrouverai tout seul, orphelin sans famille ni même amour… dans quelques jours, je vais quitter l’hôpital, c’est ce que dit le docteur. Dans la rue la vie m’attend pour me porter ses coups, à volonté. »
Vallejo transforme sa propre douleur en pitié pour l’ensemble de l’humanité. Ces « coups » sont ceux du « destin » ; ils sont aussi à mettre en parallèle avec la « haine de Dieu ». Ce n’est pas l’âme de l’homme qui tombe dans le cadre de la foi chrétienne, mais la Chrétienté elle-même qui vient se perdre dans l’humain : les souffrances, les « coups » sont « les chutes profondes des Christs de l’âme, / d’une foi adorable que le Destin blasphème». L’humain n’attend rien du Sauveur : c’est le Sauveur qui « chute » chaque fois que l’âme est abattue par les « coups » de la vie.
Si l’on voulait chercher à Vallejo un équivalent dans la littérature occidentale, il faudrait se tourner vers Beckett, mais surtout un personnage de Beckett, celui de l’esclave de Pozzo, Lucky, dans En attendant Godot, qui parle, lui, de ce Dieu qui « des hauteurs de sa divine apathie … nous aime tendrement avec des exceptions pour des raisons inconnues » ; Lucky est à la fois la victime de la brutalité du monde et un observateur compatissant des faiblesses humaines. Vallejo partage avec ce personnage la préoccupation des fonctions vitales du corps, des traverses que l’homme doit subir, de la crainte des manquements de ce Dieu distant, indifférent aux tourments :
Con él anochecemos. Orfandad…
« Ensemble nous sombrons dans la nuit, orpheline Solitude… »
(« Dieu », in Les Hérauts noirs)
La traductrice, là, réussit à rendre avec simplicité, sans délayage excessif, une formulation très condensée, que l’impossible mot à mot trahirait, en faisant de ce vers quelque chose comme un horrible « Avec lui nous nous en-nuitons. Orphelinité… » La version antécédente avait cette banalité, accompagnée d’un maniérisme : « Ensemble nous nous obscurcissons. Orphelinage… ». On voit que la tâche n’est pas facile, en tout cas… La traductrice reprendra d’ailleurs cette formulation d’un poème d’une série antécédente : souci de cohérence.
Dieu dérisoire, aléatoire, imbécile vraiment, lui :
Dios mío, si tú
hubieras sido hombre,
hoy supieras ser Dios ;
pero tú, que estuviste siempre bien,
no sientes nada de tu creación.
Y el hombre sí te sufre : el Dios es él !
« Mon Dieu, si
tu avais été un homme,
aujourd’hui tu saurais être Dieu ;
mais toi, qui as toujours été bien,
tu ne sens rien de ta création.
En fait l’homme te souffre : le Dieu c’est lui ! »
(« Les dés éternels », in Les Hérauts noirs)
contribution d’Auxeméry
à suivre d’un dernier volet, demain
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