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2522 - 12. 04. 09
Kafka, 3ème carnet in octavo,
p. 83 de l’édition de Brod :
« La fermeté de la main qui tient la pierre. Seulement, elle la tient
fermement, dans le seul but de la rejeter d’autant plus loin ». Ce
n’est pas « jeter »mais
« rejeter » (« verwerfen »),
avec le sens négatif d’un reniement. La volonté trahit son inanité : « le chemin ne conduit pas moins dans cette
étendue-là ». L’absence n’est pas moins vaste que l’espace des objets.
« C’est toi, le devoir. Pas d’élève nulle part ». La précision
détermine la valeur scolaire du mot « devoir »(
« Aufgabe »). Le maître est seul dans sa classe, il se confond avec
le « devoir », il ne peut le donner à faire à personne. Comme pour la
pierre qu’on lance, le mot se charge sans doute d’un second sens, déporté ;
l’on doit y entendre aussi « l’abandon » devant les
ressources du néant (« Aufgabe », dans l’acception d’une cessation).
Il n’y a pas d’autre adversaire qu’un retournement absolu, dans le rejet seulement.
« Un courage illimité, issu de l’ennemi véritable, te pénètre ».
La reconversion dans l’extrême éloignement s’accomplit. Le départ et la
dépossession ont assuré ce retour prodigieux, dont il importe de saisir la
signification. L’aphorisme débouche sur une leçon qui est sans doute
indépassable : « Comprendre le
bonheur qu’il y a dans ce fait que le sol où tu te tiens ne peut être plus
grand que les deux pieds qui le recouvrent ». Une positivité se dégage
de l’extrême réduction ; le repliement sait intégrer la force d’un non-être
équipotent. Cette déduction introduit encore une deuxième leçon, que la
réflexion sait tirer de l’application méthodique de la contradiction (la
distinction est soulignée : elle forme le cinquième alinéa de l’aphorisme) :
« Comment se réjouir autrement du
monde qu’en y trouvant un refuge ». La fuite est la traduction
adéquate d’une intégration parfaite de la négativité dans l’existence, attirée
d’un pôle à l’autre. »
©Jean
Bollack
Contribution de Tristan Hordé