Alain Lance a écrit hier à Poezibao pour lui faire remarquer que ce 24 septembre c’était la
Sainte Thècle et pour lui proposer ce poème de Volker Braun, poète allemand
dont il est le traducteur.
Sainte Thècle, de Hans Holbein l’Ancien, à Augsbourg, ce joli dos, cette nuque
toute douceur, un large derrière posé sur un siège stable, une personne
délicate qui elle-même contemple un espace délicat : n’est-ce pas l’image
incarnée de la poésie ? Le poème en sa silhouette charnelle, qui nous
attire et nous retient, mais entraîne notre regard au-delà, vers un
arrière-plan, vers la scène proprement dite où se déroulent atrocités,
tortures, assassinats. A l’évidence, elle ne flanche pas face à ce spectacle, cette
sainte, cette obscène ; il est vrai que nous ne voyons ni ses yeux, ni son
visage aux traits peut-être déformés, peut-être sereins ; elle ose
regarder et ne se détourne pas, elle a même pris place sur le siège comme une
spectatrice qui veut tout observer avec précision, sans rien manquer, jusqu’au
bout. Elle endosse tout, laisse venir les choses, tranquille et impudique. Et
la contradiction entre la grâce de sa silhouette et les choses terribles
qu’elle perçoit sans émotion, sans s’arracher les cheveux ou les vêtements, lui
confère un aspect impitoyable, inhumain. Et
demeure la question : ne devrait-elle pas bondir, intervenir,
crier ? En a-t-elle le pouvoir, ou le courage ? Qu’est-ce que cela
apporterait ? Qui est-elle donc ? Où donc a-t-elle pris place ?
Dans le fauteuil du juge ? Sur le chevalet de torture ? Qu’est-ce qui
l’émeut, serait-elle aveugle ? A
toutes ces questions, elle n’a que cette réponse : ce serait encore pire
si elle n’était pas assise là, à nous troubler, à nous provoquer avec sa véridique
et douloureuse énigme.
Volker Braun
Traduit de l’allemand par Alain Lance (version originale en cliquant sur lire la suite de....)
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Die Heilige Thekla Hans Holbeins d.Ä. in Augsburg, der schöne Rücken, der sanfte Nacken, ein breiter Hintern auf dem stabilen Stuhl, eine delikate Person, die ihrerseits einen delikaten Raum betrachtet : ist sie nicht das leibhaftige Bild der Poesie, das Gedicht in seiner sinnlichen Gestalt, die uns anzieht und nicht losläßt, aber sie führt unsern Blick über sich hinaus, an sich vorbei auf einen Hintergrund, auf die eigentliche Szene, auf der entseztliche Greuel geschehn, Folterungen Mord. Sie hält, diese Heilige und Obszöne, offenbar dem Anblick stand; wir sehen ja ihre Augen nicht, nicht ihr Gesicht mit ihren vielleicht verzerrten, vielleicht ganz ruhigen Zügen; sie wagt zu schaun und wendet sich nicht ab, ja sie hat sich auf den Stuhl gesetzt wie eine Zuschauerin, die alles genau beobachten will und auskosten bis zum Schluß. Sie nimmt es auf ihren Buckel, sie läßt sich die Sache bieten, schamlos unbeirrt, und der Widerspruch zwischen der Anmut ihrer Gestalt und dem Furchtbaren, das sie wahrnimmt ohne Regung, ohne sich ins Haar zu fassen oder in die Kleider, läßt sie erbarmungslos, unmenschlich erscheinen, und es bleibt die Frage : sollte sie nicht aufspringen? eingreifen, schreien? Hat sie die Macht dazu, oder den Mut? Was brächte es? Wer ist sie denn? Wo sitzt sie, auf einem Richterstuhl? Auf einer Folterbank? Was bewegt sie, ist sie vielleicht blind? All diesen Fragen, die sich stellen, entgegnet die eine Antwort : daß es schlimmer wäre, wenn sie da nicht säße, und uns betörte und erregte mit ihrem schmerzlichen und wahrhaftigen Rätsel.