Il aurait fallu repousser les murs de
la librairie José Corti, rue de Médicis, samedi soir. À 20 heures, il devenait
difficile d’y entrer ; les tables couvertes de livres avaient pourtant disparu,
mais les deux douzaines de chaises installées étaient vraiment insuffisantes et
la librairie commençait à ressembler à la cabine d’Une Nuit à l’Opéra — sans
les Marx Brothers... On vit la haute taille de Jean-Yves Masson à la
porte : il renonça ; il n’a pas été le seul. Fabienne Raphoz et
Bertrand Fillaudeau ont dû se demander s’il n’aurait pas fallu organiser la
lecture devant leur librairie...
Caroline Sagot-Duvauroux et Jean-Louis
Giovannoni se connaissent bien et n’en sont pas à leur première lecture
ensemble. Pour la circonstance, ils avaient préparé leur travail dans
l’après-midi : Jean-Louis Giovannoni avait choisi des fragments de
plusieurs de ses livres, agencés pour répondre harmonieusement aux extraits du
dernier ouvrage récemment paru1 de
Caroline Sagot-Duvauroux, Le vent chaule.
L’accord inventé était remarquable : on eût dit que les deux poètes
lisaient, en alternance, un texte écrit par un seul.
Et quelle lecture ! Jean-Louis
Giovannoni, immobile, jouait de la voix comme un comédien consommé — grave,
flûtée, railleuse, étonnée, interrogative... Caroline Sagot-Duvauroux
interprétait plus sa partie avec le corps : mobile, avançant et reculant
son siège, parfois les mains ébouriffant les cheveux.
Le public attentif était visiblement heureux
de cette complicité efficace entre les deux poètes. Dans un lieu où la poésie
est depuis longtemps illustrée, c’était une soirée vivante, vibrante, qui
donnait envie de lire et relire les livres de Caroline Sagot-Duvauroux et
Jean-Louis Giovannoni.
Récit et photo de Tristan Hordé
1 Voir dans l’anthologie de Poezibao du vendredi 6 novembre ; le livre fera prochainement l’objet d’une note de lecture. Les éditions Lettres Vives ont réédité en 2009 des textes introuvables de Jean-Louis Giovannoni, Ce Lieu que les pierres regardent suivi de Variations, Pas Japonais et L’Invention de l’espace.