« Il y a
plusieurs façons de ne pas comprendre quelque chose : le texte poétique et
son lecteur », tel était l’intitulé d’une ambitieuse journée organisée par
Pierre Drogi, dans le cadre de son séminaire au Centre International de
Philosophie.
Dans le prolongement de cette journée de réflexion, Poezibao va publier aujourd’hui
et dans les jours qui viennent plusieurs textes. Notamment les communications d’Yves
Boudier ou de François Boddaert et un entretien avec Jean-Baptiste Para, ainsi
que divers documents sur lesquels s’est appuyé Pierre Drogi.
Relire le programme de la journée du 19 mars 2010
Aujourd’hui : « Quatre Lancers », par Yves Boudier
Collège International
de Philosophie. Journée du 19 mars 2010.
« Il y a plusieurs façons de ne pas comprendre quelque chose »
Le texte poétique et son lecteur.
1. Quatre lancers
par Yves Boudier
Poezibao donne sur
cette page le début de la communication d’Yves Boudier. L’intégralité du
document est accessible en téléchargeant le fichier PDF, dont le lien est donné
ci-dessous.
Pour tenter de répondre à cette affirmation remarquable de Nichita
Stànescu, je vais vous proposer un parcours sans ordre logique soutenu,
obéissant au lancer hasardeux d’un dé mental, un parcours dont vous noterez
sûrement la fragilité, voire l’incohérence.
Quatre lancers donc : Découvrir
l’insu de l’issue / Mallarmé toujours / Le renoncement / L’acquiescement.
Quelques propositions, non pas à partir d’un système, d’un corps de doctrine,
d’une axiologie, mais selon une réflexion articulée à partir de ma lecture du
poème. Une manière de dialogisme critique, doublé, comme on le dit d’un
vêtement, de mon rapport personnel, intime, à l’écriture.
Au lieu de « critique », dis
« écrit escorte » pour citer Peter Handke (Carnets du rocher 1982/1987.Verdier 2006)
Ainsi, vais-je tenir un discours d’escorte du poème, en traçant les lignes d’un
parcours agogique, celui d’une sollicitation à marcher du même pas, pour éviter
que le poème ne disparaisse sous un commentaire savant qui le regarderait droit
dans les yeux. Pour se garder de tourner autour de lui, fasciné ou désabusé.
Pour le conduire avec soi, autrement dit vers lui-même, comme un acte présent
sur la scène sensible d’un lecteur qui le rencontre et l’adopte.
1er
lancer : Découvrir l’insu de l’issue.
L’insu ou l’opacité de la figure. Plus généralement du symbole, quelle que
soit l’ambiguïté de ce terme.
L’issue, ou la quête « de » sens, (pour éviter de dire
« du » et « d’un » sens), la volonté de tracer un axe sentimental pour faire sien le
poème, pour s’en emparer, le com-prendre dans, par et au-delà de la figure.
Deux entrées s’offrent à nous, lecteurs :
La figure : comme mode privilégié d’apparition à soi-même de l’insu.
Figure et non pas trope, telle la métaphore, qui suppose un implicite partagé.
Dans la figure, quelque chose se manifeste dans une structure contrainte, qui
offre une réorganisation de l’usage de la langue en en signifiant l’articulation, la modalité,
en rendant visible ce en quoi tel usage n’est qu’un usage possible parmi
d’autres, un choix rhétorique certes, mais un tropisme ponctuel qui fait sens
en tant que le sens n’est perçu que par différence, autrement dit que par
l’absence de tous les autres sens qui pourraient prendre place,
« sa » place. Tout poème ainsi serait une figure négative de
lui-même. Négative à entendre au sens d’un négatif qui supposerait un
révélateur pour livrer l’image. (Je reviendrai sur ce point).
Seconde entrée, chercher une issue, émettre l’hypothèse d’un sens, d’une pensée
identifiée ou soupçonnée, autrement dit vouloir reconnaître une modalité de
comparution du réel. Ainsi cette hypothèse première et de fait inévitable pour
tout lecteur, inscrit-elle le poème dans un jeu intertextuel qui recherche à la
fois le sentiment du familier et celui d’une singularité de par la proximité
et/ou la distance qu’il prend avec elle.
Deux entrées, donc, qui posent la question de la présence sourde d’un poème infra,
d’un poème premier qui s’actualiserait en autant de poèmes réalisés. Ce qui nous renvoie à la fin 18ème
aux Frühromantiker allemands, aux
frères Schlegel, en particulier à Friedrich, pour qui le langage apparaissait
comme un poème collectif dont chaque forme réalisée touchait à la symbolisation
de soi. Lire, ce serait donc extraire d’une « nature globale » une
manifestation, quelle qu’elle soit, mais de langue.
Ainsi se présente le poème : à la fois, forme plastique, issu d’un travail
sur le matériau qui donne à voir et dans le même mouvement rend perceptible ce
que l’on ignore, langage de signes,
médium de communication commun à la prose du monde et à l’avènement de la pensée,
et mise en scène de symboles, de significations, chacune à déchiffrer dans
l’ordre d’une culture, commune et vécue, reconstruite par chaque lecteur.
Le poème cumulerait ces différentes voies d’alliance de la forme et de la
pensée. Parfois, il réussirait à transcender son intention, à rendre accessible
à l’autre lecteur ce dépassement par l’image de la volonté de la pensée de se
donner un corps, mais dans un jeu de médiations, comme pour se singulariser,
pour masquer les traces du travail qui forge la matérialité de telle et telle
figure.
[...] lire la suite en cliquant sur le lien ci-dessous
Intégralité de la communication d'Yves Boudier, en fichier PDF (une douzaine de pages)
par Yves Boudier