Les Éditions Champ Vallon ont récemment publié L’Ordre des jours du peintre et poète
Gérard Titus-Carmel.
Le
fossé se creuse la coulée des jours ravine les berges entraînant dans son
torrent ces mottes de terre herbues qui hier encore appartenaient à l’histoire
de la rive. Et elles emportent avec elles l’empreinte des pas qui la marquèrent
de leur sceau quand il était encore possible de croire ne serait-ce qu’un
instant que nous dépendions chair et gangue mêlées d’un sort commun –
et sertissant ici ce vers d’Adam le Roi – dit aussi Adenet, ou Adenez,
trouvère brabançon attaché au service de Gui de Dampierre à la cour de Flandre
– : « lors se muce au buisson, si leit le temps passer. »)
pluies continues sur la mangrove
bruit mat des grosses gouttes tombant comme plomb depuis le grand ciel tropical
sur l’eau boueuse des vasières dans le balancement des marées palétuviers &
arborescences monstrueuses racines en échasses bois aériens dans l’indéfini du
paysage marécageux où la terre asphyxie toute manifestation de vie Serions-nous
ainsi déchus de la cité et fidèles à cette lente décomposition nagerions-nous
entre les miasmes dans la souillure générale et la barbarie ordinaire de la nature
que nous nous prenons parfois à rêver à la propreté civilisée d’un centre loin
des grouillements & des chaleurs par dire protégés de la férocité des
hordes –
et qu’à ce point désaccoutumés de
langue devenus reptiles à tant frotter la terre de nos ventres qu’il nous devient
dès lors impossible de demeurer plus longtemps dans la loi naturelle d’un monde
où toujours l’aveu équivaut à une présence et où la nuit s’illumine d’elle-même
jusqu’à l’expulsion définitive du verger terrestre Ô vergers immuables arbres
noirs & droits dans l’ébouriffement tous contraints à l’alignement et vos
fruits déjà blettis avant même que de parvenir aux lèvres quand s’opère en nous
la rupture entre ciel et terre l’ombre aussi s’est tue à qui seule on voulait parler
puisque par trop attendre le silence a pris qui n’en finit pas de durcir –
[...]
Gérard Titus-Carmel, L’Ordre des jours,
Champ Vallon, 2010, p. 71.
Gérard Titus-Carmel dans Poezibao :
Bio-bibliographie,
extrait
1, extrait
2, Gustave
Roud, une solitude dans les saisons (note de lecture), extrait
3
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