Cette
rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus
par Poezibao. Il ne s’agit pas de
fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel
aux informations fournies par les éditeurs.
°Ariane Dreyfus, La Terre voudrait
recommencer, Flammarion
°Yves Bonnefoy, La Communauté des
critiques, Presses Universitaires de Strasbourg
°Franck Venaille, La Descente de l’Escaut,
suivi de Tragique, Poésie/Gallimard
°Jacques Barbaut, A As Anything, Anthologie
de la lettre A, Nous
°Kraxi, Le second Abécédaire de David
Kurzy, l’Hexagone
°Adrienne Arth, Claude Ber, Joëlle Gardes, Méditations
de lieux, Éditions de l’Amandier
°Pèire Bec, Liturgia pagana, Liturgie païenne,
Jorn
°Gérard Cogez, Gérard de Nerval,
coll. biographies, Folio
Notices détaillées de chacun de ces livres en cliquant sur
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• Ariane Dreyfus
La Terre voudrait recommencer
Flammarion, 2010
16 €
La Terre voudrait recommencer est
pour Ariane Dreyfus le livre de la maturité, dans le sens où il marque une
manière d’apaisement intérieur et de réconciliation avec le monde, que ses deux
précédents recueils laissaient déjà pressentir. On est loin toutefois de ces
pages d’une sérénité crispée ― et moins encore désincarnée… Le volume s’ouvre
au contraire sur une série de poèmes brefs qui réinventent le thème du blason
féminin. On y trouve aussi, en hommage aux gens du cirque, des pages lumineuses
qui ont la grâce instable et dangereuse des trapézistes ou des funambules.
L’univers du conte, cher à l’auteur, vient y mêler ses ombres anciennes. La fin
de l’ouvrage dérive quant à elle d’un atelier mené deux ans durant dans un
collège de Bobigny avec des classes de 6e et de 5e :
l’auteur y recueille la parole respectée des enfants avec une évidence, une
densité et une simplicité souvent bouleversantes. La poésie d’Ariane Dreyfus a
cette grâce, elle aussi ― et d’abord cette humanité : « Étendre le linge de quelqu’un comme si son corps fragile/ Me demandait
d’être lente ». (Prière d’insérer de l’éditeur)
• Yves Bonnefoy
La Communauté des critiques
Presses Universitaires de Strasbourg, 2010
24 €
La Communauté des critiques rassemble
quelques études consacrées par Yves Bonnefoy à des historiens de la littérature
et à des critiques pour lesquels il éprouve admiration, affection. Mais surtout
il s'agit pour lui de monter qu'invention poétique et travaux
universitaires, estimés parfois incompatibles, peuvent, au contraire,
s'entraider. D'une part, l'établissement rigoureux des faits et la
déconstruction des mirages, tâches des sciences humaines, permettent aux poètes
de se délivrer des illusions qui appauvrissent leur expérience. Et d'autre part
il faut bien qu'historiens et critiques qui veulent accéder au plus vrai des œuvres
éprouvent à leur égard la sympathie qu'enseigne la poésie pour ce qui est
expérience du temps vécu, assomption de la finitude.
Une adresse aux professeurs de l'Université de Sienne, prononcée en 2004, tente
de préciser ces idées et d'en dégager quelques conséquences. Elle montre qu'un
plan sur lequel poésie et université peuvent se retrouver avec fruit, c'est la
réflexion sur la traduction, un problème auquel Yves Bonnefoy consacra en 2000
un autre petit ouvrage, La
communauté des traducteurs, également publié aux Presses universitaires de
Strasbourg.(Dos du livre)
NDLR : parmi les
critiques auxquels Yves Bonnefoy consacre un chapitre, on peut citer Georges
Poulet, Jean Starobinski, Paul Zumthor, Gaëtan Picon, Claude Pichois, Paul
Bénichou, John E. Jackson...
• Franck Venaille
La Descente de l’Escaut suivi de
Tragique
Préface de Jean-Baptiste Para
Poésie/Gallimard, n° 459, mai 2010
La collection de poche de poésie de Gallimard reprend deux opus majeurs de
Franck Venaille, La Descente de l’Escaut,
publié en 1995, chez Obsidiane et Tragique,
publié en 2001, chez le même éditeur.
« Venaille, c’est d’abord un ton. C’est une voix singulière et que l’on
croit entendre dans sa présence sonore, ses inflexions sensibles, son souffle à
la fois charnel et spectral, alors qu’on lit des signes composés sur la page.
Comme si la partition typographique se transformait immédiatement ne musique,
et plus précisément en un cycle de lieder paradoxal, puisque la solitude d’un
chant de Wanderer s’y révèle tissée
de voix plurielles, comme en un opéra imaginaire dans la brume froide de l’aube. »
(Extrait de la préface de Jean-Baptiste Para, p. 10).
• Jacques Barbaut
A As Anything
Anthologie de la letter A
coll. disparate, Nous
12 €
A As Anything – intitulé que l’on
trouve parfois comme titre des premiers abécédaires destinés aux enfants
anglo-saxons – se voudrait constituer une pseudo-anthologie de la lettre A, la démonstration
de l’échec prévu d’Arthur Rimbaud de prétendre « penser sur la première
lettre de l’alphabet », une sorte de dictionnaire affolé – d’ »Alphonse
Allais » à « Zzzzzz », d’ »Abîme » en « Azur »...–
où l’auteur témoigne tout à la fois d’une authentique passion du littéral, d’une
avidité tous azimuts (linguistique, poétique, géographique, psychanalytique,
topographique...), d’une dérision encyclopédique et d’un sens du nonsense.
Jacques Barbaut prend ici au pied de la lettre – avec ou sans empattement –
aussi bien Alfred Jarry – « il n’y a que la lettre qui soit littérature »
– que Georges Perec – « le métier d’un homme de lettres, ce sont les
lettres de l’alphabet ».
Né en 1960, Jacques Barbaut est lecteur et correcteur pour la presse et l’édition.
Il se définit lui-même comme « ni roussellien, ni duchampien, ni
quenaldien, ni oulipien, ni perecquien ? [...] Ni rien de rien en –rien. »
• Kraxi (Marcel Bélanger)
Le second abécédaire de David Kurzy
L’Hexagone (Québec)
Marcel Bélanger, à l'occasion de la publication de Cela seul en 2004 avait définitivement adopté le nom de plume de Kraxi.
Il vient de mourir le 11 mai 2010 à l'âge de 66 ans, un peu avant que Le Second Abécédaire de David Kurzy, ne
sorte en librairie.
Nourri par les énergies adolescentes, David Kurzy refuse de se plier aux
exigences de la vie adulte telle qu’on la lui présente. Il part, sans savoir où
il va, errant dans tous les sens du terme, mêlant les géographies extérieures
et intérieures. Entre onirisme et lyrisme, l’écriture de Kraxi convie le lecteur
à une singulière réflexion sur la sensualité et la sexualité. Si celles-ci ne
sont pas dénuées de violence, elles n’ouvrent pas moins sur ces continents
intimes peu explorés où la morale n’a pas sa place.
Les personnages emblématiques portent en eux autant de féminin que de masculin,
de fiction et de poésie. Parfois ombres, parfois identités marquées, ils vont
vers des univers troublants et troubles, pourtant bien vivants.
Marcel Bélanger a été notamment directeur de revues littéraires, il a fondé la
maison d'édition Parallèles et a créé le programme de création littéraire de
l'Université Laval.
• Adrienne Arth, Claude Ber, Joëlle
Gardes
Méditations de lieux
Photographies d’Adrienne Arth
Éditions de l’Amandier, 2010
15 €
Les textes et les photographies qui les accompagnent sont nés d’une résidence d’artistes
au Monastère de Saorge.
• Pèire Bec
Liturgia pagana / Liturgie païenne
Jorn, 2010
18 € - sur le site
de l’éditeur
Liturgia pagana propose une
soixantaine de poèmes de formes et de thèmes variés, mais familiers au poète.
Les deux premières parties relèvent de l'exercice poétique, qui n'exclut pas
l'inspiration, mais la structure et la libère par les contraintes formelles. Les Dotze sonets tà l'annada / Douze sonnets
pour l'année ressortissent au thème du zodiaque où des « saisons de
l'an », si répandu dans la poésie universelle, notamment occitane, depuis
Claude Peyrot au XVIIIe siècle jusqu'à Max-Philippe Delavouët au XXe. Les mois
de l'année et la forme du sonnet permettent l'expression calibrée d'un lyrisme
personnel fait de souvenirs et de nostalgie, sentiment dominant de cette
liturgie païenne. Faulas e cançons
agradoças, comme leur titre l'indique, concilient « formes simples » orales
comme le conte, la fatrasie ou la comptine, trouvailles originales et maîtrise
de l'érudit, pour qui rien de cette tradition populaire n'est étranger. Le ton
est de gouaille et de tendresse, grinçant et mélodieux à la fois, comme une
chanson de rue.
La troisième partie, la plus importante, Litanias deu silenci / Litanies du silence, propose des poèmes de
forme plus libre, d'inspiration plus spontanée, mais toujours placés sous le
signe de la liturgie profane, comme si le poète avait besoin de s'inscrire dans
un office religieux « profané » qui lui serve de cadre et donne aux destinées
dont il évoque des bribes (la sienne en premier lieu), sinon un sens sacré,
sinon une dimension transcendante, du moins un certain ton tragique et serein.
Le poème est comme une prière sans autre Dieu que le temps, sans autre mystique
que le souvenir, sans autre ferveur qu'une nostalgie par moments déchirante.
Aux mots profanes, le poète mêle sans cesse des motifs chrétiens, la mater
dolorosa, l'agneau mystique, « los
bròcs d'ua coroa cristica / les épines d'une couronne christique ».
Ces litanies du silence se développent en poèmes plus longs, en « petites odes
», comme des hymnes à la création, comme des actions de grâce lancées vers un
ciel vide, tels ces « Caminaus / Grands
chemins », célébration d'un espace rendu plus vaste par l'absence même de
Dieu.
Pierre Bec arrive ainsi à concilier, grâce à sa maîtrise formelle, une immense
culture et le sentiment bouleversant du passage du temps, un thème qui lui est
familier depuis son premier recueil Au
briu de l'estona.
Sur le germaniste, romaniste, médiéviste
Pierre Bec, lire
ici
• Gérard Cogez
Gérard de Nerval
coll. Biographies, Folio
8,20 €
Biographie inédite, soixante huitième numéro de la collection Biographies de la
collection de poche Folio.
« Le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes
d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. » Souffrant du
divorce entre le sentiment et la raison, Gérard de Nerval (1808-1855) affirme
avant nul autre que c'est la poésie qui change la vie et non l'inverse.
Voyageant dans les livres et dans les villes, c'est lorsqu'il est prisonnier
des songes qu'il est véritablement lui-même. Parce qu'il considère sa vie comme
un mythe, il défend la liberté d'en disposer à sa guise et choisit le chemin «
mystérieux, qui va vers l'intérieur ». Observateur éveillé de la vie onirique,
il est celui qui, tout en vivant les risques de sa folie, sait en faire la
matière d'une œuvre littéraire. Après de nombreux séjours en maisons de santé,
et un dernier dîner dans un cabaret des Halles, alors que Paris est sous la
neige, il se pend, à l'aube du 26 janvier 1855, rue de la Vieille-Lanterne.