Pour le choix des textes de cette anthologie permanente d’été, Poezibao suivra encore cette semaine
(avant une pause de quinze jours), le fil du livre de Jean-Claude Mathieu, Écrire, inscrire, sous titre ″Images
d’inscriptions, mirages d’écriture″ (éditions José Corti 2010). Jean-Claude
Mathieu, sur la trace des « inscriptions » cite d’innombrables
poètes. Poezibao reprend certaines de
ces citations et tente de les compléter, chaque fois que possible, par un
autre texte du même auteur.
•La citation d’Écrire Inscrire
[chapitre ″La Tombe et le passant″]
« L’épitaphe parle. Homère est la bouche de l’univers, le sable où bruit
la mer, dans une épigramme funéraire. Les lettres gravées parlent à voix basse,
la parole de l’épitaphe affleure au milieu du bruissement du monde, le murmure
des ombres se fond dans la lumière :
Passant, ce sont
des mots. Mais plutôt que lire
Je veux que tu
écoutes : cette frêle
Voix comme en ont
les lettres que l’herbe mange.
Prête l’oreille,
entends d’abord l’heureuse abeille
Butiner dans nos
noms presque effacés.
[...]Puis sache un
bruit plus faible encore, et que ce soit
Le murmure sans fin
de toutes nos ombres.
Il monte, celui-ci,
de sous les pierres
Pour ne faire qu’une
chaleur avec l’aveugle
Lumière que tu es
encore, ayant regard. »
Jean-Claude Mathieu, Écrire Inscrire,
José Corti, 2010 p. 381.
Citation : Yves Bonnefoy, Les
Planches courbes, Mercure de France, 1999, p. 40.
En manière d’écho, selon la méthode de composition de cette anthologie d’été, Poezibao signale un remarquable article
de Patrick Labarthe, dans le tout récent Cahier de l’Herne (Éditions de l’Herne,
2010) consacré à Yves Bonnefoy, article intitulé « Bonnefoy et la
tradition des épigrammes funéraires. »
« Rappelons de surcroît que l’oralité
est consubstantielle à la tradition des épigrammes funéraires : le passant
est celui qui délivre les morts de leur destin muet, et cela par la médiation d’une
lecture à haute voix. Ainsi l’injonction initiale de tel poème des Planches courbes :
Passant, ce sont
des mots. Mais plutôt que lire
Je veux que tu
écoutes : cette frêle
Voix comme en ont
les lettres que l’herbe mange.
Le lecteur du poème-inscription dénoue le silence du défunt, le transmue en une
voix qui remonte en lui : le creusement de l’entaille, comme en excès sur
le signe, grève les mots d’une intensité qui se fait parole. L’encoche de l’inscription
funéraire a le resserrement du cri ou de l’appel. A cet acte de pietas par lequel autrui est ″désemmuré″
de la tombe par la voix qui n’a ″pas oublié″, Bonnefoy donne le nom de poésie
Patrick Labarthe, in Cahier Bonnefoy, Éditions de l’Herne, 2010, p. 42
et cette autre citation d’Yves Bonnefoy, tiré du même article :
« J’ai toujours été attiré par ceux des poèmes de l’Anthologie palatine qui sont des épigrammes funéraires. Et j’ai été
frappé particulièrement par un poème de Callimaque qui de ce fait fut peut-être
– avec la lettre de Chateaubriand sur la campagne romaine – à l’origine du
désir d’écrire des poèmes où, à l’imitation de tant d’épitaphes antiques, des
vies d’hommes ou de femmes sont évoquées de façon rétroactive : autrement
dit sous le signe, immédiatement, de la finitude inhérente à toute existence. »
Yves Bonnefoy, Poésie et Architecture,
William Blake & Co, 2001, p. 40, cité in Patrick Labarthe, « Bonnefoy
et la tradition des épigrammes funéraires », Cahier Bonnefoy, Éditions de
l’Herne, 2010, p. 38
Article 1
et 2,
sur le Cahier de l’Herne consacré à Yves Bonnefoy.
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