Poezibao fait une pause – le site ne sera plus mis à jour jusqu’au lundi 3 janvier 2011.
A tous, fidèles du site et personnes de passage, bon Noël et bonne année 2011.
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Poezibao fait une pause – le site ne sera plus mis à jour jusqu’au lundi 3 janvier 2011.
A tous, fidèles du site et personnes de passage, bon Noël et bonne année 2011.
Rédigé par Florence Trocmé le jeudi 23 décembre 2010 à 10h38 dans Evènements | Lien permanent
Car toujours revient la question
comment
dans la mouvance des choses
choisir les éléments
fondamentaux vraiment
qui feront du confus
un monde qui dure
et comment ordonner
signes et symboles
pour qu’à tout instant surgissent
des structures nouvelles
ouvrant
sur de nouvelles harmonies
et garder ainsi la vie
vivante
complexe
et complice de ce qui est –
seulement :
la poésie
|•|
assuré
que la visée vitale
de l’art
c’est de jeter à la ronde
images
témoignages
preuves
d’une puissance de synthèse
accordée à la vie
et qui préserve la vie
contre la solitude
le morcellement
les agressions froides
de l’espace et du temps
|•|
et quand un lettré japonais
parlant des suites de poèmes waka
(cent parfois dans une même série)
écrits à l’époque de Kamakura
(13e et 14e siècles)
dit que « le résultat était souvent
d’une beauté kaléidoscopique
aux facettes infinies
révélées au lecteur
en un mouvement très lent »
je reconnais mon but
Kenneth White, le Grand Rivage, Le nouveau commerce, 1980, p. 11, 31 et73
Kenneth White dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4 (présentation de Un monde ouvert), extrait 5
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(abonnement possible mais pas d’envois entre le vendredi 24 décembre 2010 et le lundi 3 janvier 2011)
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Index de Poezibao
Rédigé par Florence Trocmé le jeudi 23 décembre 2010 à 09h44 dans Anthologie permanente | Lien permanent
Les textes réunis par l’auteur ont été disposés de manière non chronologique dans ce livre qui emprunte son titre au premier ensemble, daté 2006-2007 et subdivisé en cinq sections qui occupent un tiers du volume. Suivent paquet salubre (2008), « fais au lieu de dit » (2009), Racine à la parole (2009) et : sa filleule (2002).
La gravure de couverture, d’Istvan Gyalai, esquisse une élévation en équilibre : l’ambition et sa fragilité. Mais l’on demande : où sont ces levées, de quelle verticalité relèvent-elles, hormis l’écriture poétique, rythmée par la coupe ? Y aurait-il, en ces levées, l’esquisse d’un chemin induit par leurs bords ?
Acte d’érection, modulé par le pluriel qui les éparpille, en dissémine l’effet. L’absence de déterminant accentue l’indétermination du geste. Sans que l’on sache s’il s’agit du substantif ou du participe, d’un processus ou d’un état. Et l’on demande : de qui, de quoi parle-t-on ? hormis d’une écriture dans le reflet de son geste.
Levées, pour fédérer l’ensemble, pousse à penser que ce titre condense un art poétique, déplace l’expérience du monde dans la langue. Voire, avant la langue, comme le laisse entendre le quatrain liminaire :
/boule qui pivote et qui marche maladroite
à un point perdu glissée comme une lettre
/persistance nue à un point du temps
se baigne à l’odeur de lumière, sans les mots
Une aventure infra-linguistique, portée par l’expérience de la vision. Paysage regardé, reflétant celui qui regarde, « en lutte » (9). Son effort vers ce qui s’offre. Plus tard, une autre posture dans « paquet salubre » :
vision gratuite (précieuse)
d’une loire énigmatique (52)
Et la lecture rencontre des énoncés qui subvertissent le(s) sens, des lieux qui reviennent. L’on se trouve face à des éclats, des morceaux, des brisures que favorise la spatialisation du vers.
fragments
mystérieusement
laissés là
de quelle tempête (27)
Au lecteur d’entrer en résonance avec le « sans-parole que les mots insuffisants viennent prendre en charge » (73). L’auteur postule qu’un poème est « un lien adressé depuis derrière le langage et retourné hors-langage ». Il apporte une condition de son efficace : « Si la parole s’enracine dans le hors-parole, elle touche alors celui qui l’entend ou la lit dans sa propre perception du sans-parole ». Cela conduit à cette invite : « Lis inexactement ce que tu lis (… à partir de ton propre fond qui te fonde) » (74).
Il s’agit d’un pari : entraîner le lecteur dans le sillage de son propre silence, comme peut le faire un fleuve. Jouant dans la langue…
Marie Séjourné
Pierre Drogi
levées
Atelier de l’agneau
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 22 décembre 2010 à 17h18 dans Notes de lecture | Lien permanent
Les éditions Fissile publient Abord de la mort, précédé de Je n’y rencontrerai personne, de Zbyněk Hejda, traduit du tchèque par Erika Abrams.
Le long des sentes
Le long des sentes, frayées par les bêtes...
Du milieu des herbes un marais éclôt.
Et dans les broussailles, des plumes de petits oiseaux
vont s’amollissant. Il bruine, brume bruinante.
La nuit il a gelé. De quoi donner tôt le matin
aux mouillères givrées de l’éclat.
Silence. Si ce n’est, au village, le glas
et une plainte.
De petites morts
De petites morts
habitent la dépouille des oiseaux.
Ce sont elles qui nous battent les tempes
d’un rappel d’ailes
avant que l’eau verte
sur tout se déverse.
Un chien passe furtivement
la porte....
Sombre
Sombre, une volée d’oiseaux
se déplace lentement contre le ciel.
En bas sur le chemin
la poussière vole.
Personne pourtant
ne va nulle part.
La bande d’oiseaux aussi s’éclipse,
la respiration du paysage, coupée
dans la canicule du dimanche matin.
Au village tout dort.
Au bord des chemins,
des chiens.
Zbyněk Hejda, Abord de la mort, précédé de Je n’y rencontrerai personne, traduit du tchèque par Erika Abrams 44, 50, 59
Zbyněk Hejda dans Poezibao
bio-bibliographie, extrait 1, Valse mélancolique
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Index de Poezibao
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 22 décembre 2010 à 11h09 dans Anthologie permanente | Lien permanent
Poezibao a reçu cette lettre de la Maison des écrivains qui voit ses ressources menacées.
Je n’ai pas coutume de vous transmettre les innombrables lettres, pétitions et autres demandes qui me sont adressées, mais il me semble qu’il est important de soutenir la Maison des Écrivains. Certains d’entre vous ont pu notamment lire sur le site plusieurs compte-rendu des très belles séances autour du thème « La Poésie pour quoi faire », organisées par Sylvie Gouttebaron au Petit Palais à Paris.
Un nombre significatif de signatures pourraient aider à ce que cette réduction de budget (on parle de – 10 % ce qui menace de nombreuses initiatives) ne soit pas mise en œuvre.
Lettre ouverte
Le 20 décembre 2010
Lettre ouverte aux amis et adhérents
de la Maison des écrivains et de la littérature
En ces temps où la culture pour chacun est en passe de devenir un enjeu majeur, l’annonce du gel de 5% du budget du Ministère de la culture nous inquiète particulièrement.
Subventionnée depuis 25 ans par le Centre national du livre, la Mel, une des principales associations d’écrivains regroupant 700 adhérents, est la première menacée par une coupe budgétaire, qui, si elle se confirmait, réduirait de 10% son budget et l’obligerait, pour la première fois, à renoncer à une partie conséquente de ses activités.
La Mel, c’est : 600 actions conduites avec des écrivains, soit 30 000 lecteurs rencontrés chaque année.
La Mel, c’est la littérature défendue dans les écoles, les collèges, les lycées, les bibliothèques, l’université, les hôpitaux, dans les régions comme à Paris.
La Mel, ce sont des dizaines d’écrivains étrangers invités chaque année.
La Mel, ce sont : des cycles originaux avec le Louvre, l’Institut National de l’Audiovisuel, le Petit palais, où une réflexion se poursuit d’année en année sur la poésie, la critique, l’image et les différentes formes de partage avec les publics.
La Mel, ce sont des romanciers, des poètes, des dramaturges, des auteurs pour la jeunesse, des essayistes, des éditeurs, et des critiques, qui tous, partagent la même exigence quelle que soit leur notoriété.
C’est pourquoi il nous semble indispensable d’alerter l’opinion et toutes celles et ceux qui oeuvrent pour que la littérature garde sa place dans notre société.
Adhérents et amis de la Mel, nous comptons sur votre soutien pour être entendus. Le Conseil d’administration et la direction, en votre nom, appellent à une réunion, dans les plus brefs délais, avec le Centre national du Livre, la Ville de Paris, la Région Ile-de-France, et le Ministère de l’éducation nationale, nos interlocuteurs privilégiés, pour que soient réaffirmées l’importance et la place du travail fourni par la Maison des écrivains et de la Littérature au sein de l’espace culturel.
Aussi, nous vous demandons de vous associer, par votre signature, à cette lettre qui sera ensuite adressée au CNL, et, le cas échéant, à la presse. Nous avons besoin de tous.
Le Conseil d’administration,
la direction et l’équipe de la Mel
Rédigé par Florence Trocmé le mardi 21 décembre 2010 à 16h45 dans Evènements | Lien permanent
Vidéaste, écrivain, enseignant à l’école des Beaux-Arts de Dunkerque, Richard Skryzak avait essentiellement publié des essais sur l’art et la vidéo.
Résonances d’un souvenir florentin propose un énoncé esthétique et poétique aux accents baudelairiens. La phrase de Dostoïevski, placée en exergue, La beauté sauvera le monde, contredit tellement les préoccupations de notre époque qu’elle provoque presque un effet de scandale.
Dès les premières pages du livre, Florence et plus précisément l’église Santa Croce surgissent et dessinent une « morale des arts » qui s’oppose à la morale sociale et à une histoire de l’art écrite par les historiens. Dans une première séquence courte et dense, Richard Skryzak procède par analogies et correspondances. La vision chronologique n’éclairant en rien les enjeux poétiques et existentiels, la modernité s’annonce dans l’œuvre même avant de s’autoproclamer nouvelle. Les images acoustiques renvoient aux sons iconiques. le lien entre deux artistes, artisans (Giotto et Marconi par exemple) fait d’une paroi picturale la chambre d’écho d’énergies sonores. Dans les grottes de Lascaux, les figures peintes inventent l’idée du cinématographe : amorces de fictions et projection de spectres.
Ne procédant pas par clivage, l’auteur effectue de subtils parallèles entre image/voix/radio/vidéo comme si, chaque geste artistique contenait et régénérait un art total.
La seconde séquence synthétise poétiquement les propositions avancées. Aphorismes, distiques, tercets et quatrains tracent alors une constellation aux noces rimbaldiennes. Au néant, il s’agit d’arracher des moments de grâce visuels.
Le regard médusé conclue l’ouvrage et confronte l’art aux notions de cruauté et de mal, en prenant appui notamment sur Le Caravage :
Peintre des bas-fonds, des prostituées, des corps marqués et affectés dans leur cruauté, des têtes tranchées, des cris horrifiés et des regards pétrifiés…C’est ça le « cri-méduse ».
Pascal Boulanger
Richard Skryzak
Résonances d’un souvenir florentin
Editions Elektron
Le site de l’auteur
Rédigé par Florence Trocmé le mardi 21 décembre 2010 à 08h52 dans Notes de lecture | Lien permanent
Poezibao a reçu cette « Lettre ouverte à J.P. Auxeméry à propos de la traduction des Poèmes de Maximus de Charles Olson », (La Nerthe, Toulon, 2009.) Une occasion de remettre à la une cette très importante parution.
Cher ami,
En vous écrivant, je crois avoir souligné que les États-Unis n’ont pas de Ministère de la Culture et ne peuvent donc – comme c’est le cas pour beaucoup de pays civilisés, dont la France – honorer et récompenser ceux qui ont rendu au pays de très grands services culturels. Tout au plus avons nous une « National Endowment for the Arts » qui jouit de très peu de moyens et ne fait donc pas grand chose – sous la devise (imbécile au plus haut point): « Because a Great Nation deserves Great Art. »
Vous avez traduit un très grand nombre de poètes américains (entre autres : Pound, H.D., Williams, Reznikoff et Creeley) et devriez donc recevoir ces honneurs si justice était faite.
Et voici que m’arrive un exemplaire de votre travail extraordinaire sur les "Maximus Poems" de Charles Olson.
Un gros tas de soucis et de problèmes, sans dénombrer les comédies médicales, m’ont empêché jusqu’ici de rendre justice à ce livre de 915 pages : : votre Maximus. Mais finalement j’ai pu enfin passer une longue soirée avec ce livre – œuvre magistrale sur une œuvre magistrale : en situant Olson non seulement dans sa propre peau et son propre pouvoir, mais aussi dans son contexte – Pound, Williams, Duncan, Creeley, Dorn et toute la sainte lignée – vous avez pu donner à vos compatriotes l’à-peu-près tout de ce qu’il pourrait y avoir de valable en notre temps, en notre siècle, chez nous ici.
Chose qui se dissout en ce moment, paraît-il, avec une rapidité vertigineuse dont on finit par avoir honte.
La plupart du temps, je me trouve incapable de lire des traductions dans une langue que je connais et venant d’une langue que je connais. Mais après avoir parcouru vos douze chants de l’arrière-préface, j’avoue que je serai parfaitement capable, quand mon temps reviendra de lire le grand Charles, de vous prendre comme guide tout aussi bien que les fameux savants Butterick, Maud, Sherman Paul et autres dont vous avez, avec méthode et alchimie, rendu l’essentiel, tout en y ajoutant vos propres connaissances et expériences. On voit bien que vous avez travaillé sur Olson depuis trente ans : : il n’est pas nécessaire qu’on nous le dise...
Et, comme toujours, vous avez cette capacité, excessivement rare, d’entrer dans la voix, dans le rythme verbal, dans la prosodie de celui que vous traduisez : en vous lisant, je me suis trouvé chez Olson comme si je le lisais en américain.
Ne connaissant que mal la situation de la poésie en France, je me demande jusqu’à quel point, dans quelles situations et dans quels contextes votre œuvre trouvera sa place et quelle reconnaissance se manifestera pour vous remercier le plus chaleureusement possible de ce grand don que vous avez mis en place. Y a-t-il déjà quelques signes que le livre a été lu, recensé, et apprécié à sa juste valeur? Tenez-moi au courant de tout cela, je vous en prie. En attendant je tenterai de faire connaître ici toute la portée de votre hommage – je connais finalement très peu de monde et les voies de la propagande ne me sont pas exactement ouvertes. Mais nous verrons.
En attendant, acceptez d’un ami américain les plus chaleureuses des félicitations : le constat du rapport entre notre être et notre réalité n’a jamais eu autant d’éclat et de mérite que sous l’envergure de votre navigation de l’océan olsonien
à vous,
Nathaniel Tarn
Rédigé par Florence Trocmé le mardi 21 décembre 2010 à 08h50 dans Cartes Blanches | Lien permanent
Les Éditions Gallimard publient Poèmes choisis, une anthologie de poèmes de Patrice de La Tour du Pin, complétée de lettres à lui adressées par André Gide, Jules Supervielle, Jean Paulhan, Paul Claudel, Louis Aragon.
Cinquième livre
La Quête de joie
Prélude
Tous les pays qui n’ont plus de légende
Seront condamnés à mourir de froid...
Loin dans l’âme, les solitudes s’étendent
Sous le soleil mort de l’amour de soi.
À l’aube on voit monter dans la torpeur
Du marais, les bancs de brouillard immenses
Qu’emploient les poètes, par impuissance,
Pour donner le vague à l’âme et la peur.
Il faut les respirer quand ils s’élèvent
Et jouir de ce frisson inconnu
Que l’on découvre à peine dans les rêves,
Dans les paradis parfois entrevus ;
Les médiocres seuls, les domestiqués
Ne pourront comprendre son amertume :
Ils n’entendent pas, perdu dans la brume,
Le cri farouche des oiseaux traqués.
C’était le pays des anges sauvages,
Ceux qui n’avaient pu se nourrir d’amour ;
Comme toutes les bêtes de passage,
Ils suivaient les vents qui changeaient toujours ;
Ils montaient parfois dans les cœurs élus,
Abandonnant la fadeur de la terre,
Mais ils sentaient battre dans leurs artères
Le regret des cieux qu’ils ne verraient plus !
Alors ils s’en allaient des altitudes
Poussés par l’orgueil et la lâcheté ;
On ne les surprend dans nos solitudes
Que si rarement ; ils ont tout quitté.
Leur légende est morte dans les bas-fonds,
On les voit errer dans les yeux des femmes,
Et dans ces enfants qui passent dans l’âme
En fin septembre, tels des vagabonds ;
Il en est pourtant qui rôdent dans l’ombre
Et ne doivent pas s’arrêter très loin ;
Je sais qu’ils se baignent par les nuits sombres
Pour que leurs ébats n’aient pas de témoins.
– Mais si déchirant monte alors leur cri
Qu’il semble briser toutes les poitrines,
Et va se perdre aux cimes de l’esprit
Comme un appel lointain de sauvagine.
[...]
Patrice de La Tour du Pin, Poèmes choisis, édition présentée par Claude Arnaud, Emmanuel de Calan et Jean-Matthieu de l’Epinois, p. 66
Cette anthologie est complétée d'un cahier de lettres adressées à l'auteur, signées d'André Gide, Jules Supervielle, Jean Paulhan, Paul Claudel, Louis Aragon.
Bio-bibliographie de Patrice de La Tour du Pin
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Rédigé par Florence Trocmé le mardi 21 décembre 2010 à 08h45 dans Anthologie permanente | Lien permanent
Patrice de la Tour du Pin est né le 16 mars 1911 et perd très vite son père, tué en septembre 1914. Il fait des études de lettres, de droit et de sciences politiques et passe beaucoup de temps dans la propriété familiale au Bignon, dans le Loiret. Soutenu par Supervielle il publie un premier poème dans la NRF en 1931. Encouragé aussi par Gide ou Aragon, il publie plusieurs plaquettes dans les années avant la guerre. Il est mobilisé, blessé à la tête, fait prisonnier en Silésie jusqu’en 1943. A partir de 1969 il s’installe à Paris. Il y mourra le 28 octobre 1975.
Bibliographie
La Quête de joie, éditions de la Tortue, 1933
Psaumes, Gallimard, 1938
La Quête De Joie, Gallimard, 1939
Une Somme De Poésie, Gallimard, 1946
La Contemplation Errante, Gallimard, 1948
Le Second Jeu (Une Somme De Poésie, II), Gallimard, 1959
Petit Théâtre Crépusculaire (Une Somme De Poésie, III), Gallimard, 1963
La Quête de joie suivi de Petite Somme De Poésie, Gallimard, 1967
Lieux-dits, Société St Eloi, 1967
Une Lutte Pour La Vie, Gallimard, 1970
Concert eucharistique, Desclée de Brouwer, 1972
Psaumes De Tous Mes Temps, Gallimard, 1974
Lettres de faire-part, Compagnie typographique, 1974
Cinq petites liturgies de carême, La Revue des deux Mondes, 1974
Une Somme De Poésie :
Tome I : Le Jeu de l'homme en lui-même, Gallimard, 1981)
Tome II : Le Jeu de l'homme devant les autres, Gallimard, 1982
Tome III : Le Jeu de l'homme devant Dieu, Gallimard, 1983
Poèmes choisis, Gallimard, 2010. Cette anthologie est complétée d'un cahier de lettres adressées à l'auteur, signées d'André Gide, Jules Supervielle, Jean Paulhan, Paul Claudel, Louis Aragon..
bibliographie plus complète ici, sur le site de la Société des Amis de Patrice de la Tour du Pin.
Rédigé par Florence Trocmé le mardi 21 décembre 2010 à 08h28 dans Poètes (fiches bio-bibliographiques) | Lien permanent
L’Arbre de Non (Aires, 1995) et En présence… (L’Amourier, 2008) témoignent de la précieuse attention que Jean-Luc Bayard prête à l’œuvre de Bernard Noël depuis plusieurs années. Attention ? … Le mot est insuffisant pour dire combien ce lecteur invente une approche réactivant avec brio les liens entre le lu et l’écrit. Lire, c’est, bien entendu, relire, écouter, transposer, déplacer, enquêter, observer, interpréter, mais aussi apprivoiser, provoquer, suggérer, projeter, délier et conjoindre, aller et venir dans une œuvre-vie noëlienne. Celle-ci se déploie comme un vaste palais au sein duquel il est possible de relire sa propre existence sous le signe de l’Autre. Écrire pour avancer à reculons en redécouvrant sa vie de lecteur. Une série de flashs (d’extraits ?) verbaux, dont le montage fait sens, expose les moments décisifs d’un parcours constitué d’épanchements entre les livres — clin d’œil au Grand Arbre blanc de Bernard Noël paru en 1966 — et un souvenir d’enfance de Jean-Luc Bayard : « Je pars en forêt. La découverte d’une forêt de bouleaux, enfant, au cours d’une promenade des dimanches, fut une révélation. Toute la beauté du monde, et sa nudité verte, tremblaient dans la lumière. Du bois noir (d’épicéas et de sapins) jusqu’à ces arbres blancs, la distance riait. » L’oxymore du titre est résolu par l’existence même de ce recueil, objet littéraire désormais identifié : « Le nom même de ‘roue carrée’ évoque à la fois l’image de la cible, les cercles de Dante ou de Vico, mais plus encore l’architecture : je le découvre par la spirale du « Châlet de Bizillon » conçu par Auguste Bossu, où je recommence à écrire. »
Le pacte autobiographique dont parlait Lejeune se conclut alors, plutôt qu’entre l’écrivain et le lecteur comme c’est traditionnellement le cas, entre l’écrivain et le lecteur qu’il est lui-même avant tout, originellement. Je me promets de dire toute la vérité des signes, toute la vérité dans les signes, toute la vérité par les signes, rien qu’une vérité cadrée par l’œuvre dans laquelle je décrypte des lois, des énigmes et des échos qui organisent ma propre vie. Je m’engage à écrire ma lecture — autant de carrés agencés dans un puzzle en forme de cercle — dans le miroir d’une œuvre — immense roue voyageant jusqu’à l’horizon — qui n’en finit pas de me traverser et de me conduire à l’essentiel. Lisant Bernard Noël, Jean-Luc Bayard cadre le regard qu’il porte sur sa propre vie : cette dernière constitue un matériau en attente de sens et de simplification qui vérifie les intuitions prélevées dans l’œuvre admirée. La lecture accède au statut d’expérience centrale et unifiante ; elle permet la rencontre entre le dehors (la vie et/ou le livre ?) et le dedans (le texte et/ou l’expérience ?) ou, le passé et le présent, l’alter et l’ego. Par cette activité créatrice, Jean-Luc Bayard intensifie sa vie en y introduisant tout un imaginaire qui extériorise, en retour, les choix, les rencontres, les bifurcations, les coïncidences à partir desquels la mémoire s’accomplit dans la langue : « L’histoire raconte l’identité venue sur les plis d’une ombre ». Lire sa vie, écrire sa lecture, vivre dans l’élan des livres, au risque des mots : la vie, comme l’œuvre, déroulent l’avenir d’une fable qui ne connaît pas la clôture.
Ce livre rend caduques les distinctions entre critique, commentaire, glose, fiction, témoignage ou narration : il s’abandonne à une imagination sensée, à une réflexion rêvée, tant l’écriture est portée par la lecture, et la lecture, par l’écriture. Le désir de lire ouvre un nouvel espace d’écriture qui, tourné vers l’Autre, s’articule en plaisir d’écrire. Plaisir dont témoigne l’alternance entre des blocs de prose narratifs et explicatifs et des poèmes régis par des contraintes elles-mêmes inspirées par le travail de Bernard Noël. On glisse ainsi de l’essai au poème, on bascule du vers à la prose, et ces modulations de fréquence contribuent au charme du livre, qui sait l’art de conter, et de distiller le merveilleux à partir du trésor que constitue toute bibliothèque, et en particulier celle comportant tous les livres de Bernard Noël dont une bibliographie exhaustive semble impossible. Ce voyage dans l’espace d’une œuvre s’enrichit donc d’une exploration du temps transgressant les repères temporels stables. D’un livre à l’autre, d’un titre au suivant, à partir d’une date, ou encore dans la répétition d’un chiffre, Jean-Luc Bayard parvient, au cours des dernières pages de son essai-poème, au « Paradis », qui est, le temps du livre, le mot de la fin. Paradis du livre, paradis de la lecture ? Il n’est plus vraiment question d’ordre, de douceur ou de beauté : au terme de ce voyage, l’arrière-monde est ici et maintenant. Un lieu arraché au temps qu’écrivains et lecteurs peuvent désormais situer à proximité de l’amitié, de la vérité et de l’avenir.
Anne Malaprade
Jean-Luc Bayard
Les Roues carrées
Ypsilon fragile, 2010
15 euros.
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 20 décembre 2010 à 11h46 dans Notes de lecture | Lien permanent