Je me dis parfois quand je suis mal fichu, que je vais faire comme tout le monde, des montages, des collages savants ; que je vais me mettre à la page plus ou moins blanche. Je me le dis à force de lire – un œil y suffit – mes contemporains intelligents. Puis j’en rencontre un, par chance. Qui me demande où j’en suis avec la linguistique, etc. Je n’en suis pas. Du tout par indifférence, ou inertie mentale. On ne peut pas tout lire. Ce que j’appelle lire. Alors je retourne à ma misère. À mon Mallarmé, qui n’est pas celui de ces messieurs. À mon Heidegger, qui m’enchante quand il est inspiré par Van Gogh ou Hölderlin. Ni ce Mallarmé ni ce Heidegger ne sont utilisables. Mais leur relation m’est bonne, hors toute culture en avant.
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Ce serait très bien, la littérature, si les lecteurs comprenaient un jour ce que c’est. Pas du tout. Un type qui écrit deux cents pages sur sa veulerie, sa saloperie, sa médiocrité, son néant, allez, on lui file le prix Goncourt. Quel talent ! Le type est content. Le talent sauve tout. D’où cette nuée de terribles, d’imbéciles heureux qui couvrent les catalogues d’éditeurs grâce à la faculté qu’ils ont de dire qu’ils n’existent pas. Si on savait lire, on serait stupéfait de l’aveu d’imbécillité de la plupart de nos auteurs actuels. Ils crient leur vide et on leur trouve du talent, voire autre chose. Tout ça parce qu’on ne sait jamais. Si on loupait un Miller, un Genet, un Kafka, vous vous rendez compte ! Cette peur fait publier, rend publiable, 80 % de notre littérature actuelle.
Georges Perros, Papiers Collés 2, Gallimard, 1973, repris dans la collection L’imaginaire, pp. 147 et 164.
Georges Perros dans Poezibao :
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