Claude Chambard publie le quatrième temps de la suite « Un nécessaire malentendu », Carnet des Morts, aux éditions [le bleu du ciel]. Lire ici la présentation de ce livre.
X
& il y eut douze nuits de suite
sans jour pour les séparer
douze nuits froides & sombres
douze nuits de mauvais scintillements
de récitations silencieuses
douze nuits de jargons de soldats
douze nuits de générations
de déportations
douze nuits de révolutions
douze nuits où l’éclaireur se perd
où la longue carabine brille par à-coups sous la lune en écailles de dorade
où le loup & l’ours rôdent
douze nuits à nourrir le maigre feu
douze nuits à tailler des lanières de pemmican
douze nuits à les mâcher lentement avec des boulettes de riz sauvage
avec du café chaud & sans sucre
douze nuits où aucun n’ose parler aux autres
douze nuits où chacun disparaît dans la mémoire de chacun
Le pays est encore debout
entre les branches de l’arbre
toi & toi, franchissant la mort
la voie du sang égarée dans les cieux
les mains sont encore visibles
ça tient sans lumière
en bas près du village perdu
entre deux cloches qui tintent en même temps
dans le rouge de la gorge du rouge-gorge
enfants & enfants & enfants en procession interminable
chacun porte sa relique
chacun son suaire
sa tête sur un plat
ou son crâne à la main
ou la balle entre les dents
ou deux trous au côté droit
ou à la gorge la morsure du chien à trois têtes
Les cannibales ont dévoré ce que contenait le souffle.
Ligne rouge. [...]
Claude Chambard, Carnet des morts, [le bleu du ciel] 2011, p. 77 et 78.
Claude Chambard dans Poezibao :
Bio-bibliographie, Le Chemin vers la cabane (F. Trocmé), extraits 1, Le Chemin vers la cabane (T. Hordé)
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