Les Éditions de la revue Conférence publient Mantra Box de Franck André Jamme.
NDLR : il est très difficile d’extraire une séquence de ce livre, extrêmement construit et cohérent, constitué d’une série de sept « mantras » de vingt à trente pages, séquencées et se terminant toujours par un texte en capitales, justifié, formé d’une phrase de cinq ou six lignes qui se répète….
mantra des élastiques partant du centre et des frôlements
L’absence était passée
Équipée de nouveau
dans les régions calmes :
jour après jour,
il lui semblait
qu’elle bâtissait en fait elle-même
chacune des marches
qu’elle montait
Sobre.
Majestueuse.
Juste vêtue
d’un long manteau d’air,
si ce n’est le fil à la taille,
du rite.
L’esprit fendu,
béant :
terre, homme, ciel.
Et toujours ces échelles
de toutes tailles
qui traînaient invariablement
partout où elle se posait.
Mais surtout :
Comme une sorte de musique neuve
juchée sur des pieds
venant de loin,
très loin,
battant obstinément
le rythme.
Avec longues nappes de sons ductiles,
semées de phrases parfois étourdies,
un peu sourdes,
parfois en feu.
Miettes d’éclats
et de brisures
jetées dessus,
bruits perdus,
froissements,
crissements,
tous aussi vite retrouvés
Et ce bourdon frappé,
sûr,
bourdon frappé
Un blanc
Premier suspens
Sans s’attarder de trop aux anges
mains si claires,
soudain transparentes
à l’instant où naissait l’espace,
ailes ouvertes,
ailes fermées,
sans importance.
Sauf quand ils s’élançaient le matin,
de la fenêtre,
juste pour un quart d’heure de vol
puis retour au bercail près de celui
ou celle que l’on protège
de toutes les attaques invisibles
en lui rapportant chaque fois
de grandes poignées d’air,
allez comprendre.
Quelquefois, pourtant,
elle marmonnait :
les portes basses,
qui obligent à baisser la tête,
les postures pour se leurrer encore davantage,
les paroles sans graines,
pleines de manières du jour,
de fausses énigmes,
de violences un peu aidées,
de légèretés arrogantes
qui ne faisaient rien germer de spécial
chez ceux qui les recevaient,
si c’est n’est peut-être
un étrange mimétisme.
Alors, soudain,
elle tirait la nappe,
tout le repas valsait,
et elle se mettait à chanter.
Peut-être dans la honte aussi
d’avoir succombé un instant.
Mais c’était parfait.
[...]
tout comme la petite boîte chantait aussi, fidèle au poste, peut-être venue à l’instant de quelque rapide sommeil, je ne sais trop :
SCARABÉE JE SAIS QUE TU IGNORES COMME NOUS TOUS OÙ SE CACHE PRÉCISÉMENT LE CENTRE DES CHOSES MAIS JE SENS AUSSI QU’IL T’EST DÉJÀ ARRIVÉ DE VOIR LES SORTES D’ÉLASTIQUES QUI SANS CESSE EN PARTAIENT QUI SE TENDAIENT SE DÉTENDAIENT ET ILS TE FASCINAIENT TANT QUE TU AS FINI PAR T’APPROCHER D’EUX ET MÊME PAR ESSAYER DE MIMER LEUR DANSE ET ALORS TON CORPS ENTIER LES A QUELQUEFOIS FRÔLÉS SCARABÉE JE SAIS QUE TU IGNORES COMME NOUS TOUS OÙ SE CACHE PRÉCISÉMENT LE CENTRE DES CHOSES MAIS JE SENS AUSSI QU’IL T’EST DÉJÀ ARRIVÉ DE VOIR LES SORTES D’ÉLASTIQUES QUI SANS CESSE EN PARTAIENT QUI SE TENDAIENT SE DÉTENDAIENT ET ILS TE FASCINAIENT TANT QUE TU AS FINI PAR T’APPROCHER D’EUX ET MÊME PAR ESSAYER DE MIMER LEUR DANSE ET ALORS TON CORPS ENTIER LES A QUELQUEFOIS FRÔLÉS SCARABÉE JE SAIS QUE TU IGNORES COMME NOUS TOUS OÙ SE CACHE PRÉCISÉMENT LE CENTRE DES CHOSES MAIS JE SENS AUSSI QU’IL T’EST DÉJÀ ARRIVÉ DE VOIR LES SORTES D’ÉLASTIQUES QUI SANS CESSE
Franck André Jamme, Mantra box, éditions de la revue Conférence, 2011 pp. 97 à 100 et p. 113.
Franck André Jamme dans Poezibao
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, ext. 4
présentation du livre dans la rubrique Poezibao a reçu :
Franck André Jamme
Mantra Box
Éditions de la revue Conférence
20 €
« Il disait qu’il commençait vaguement
à saisir la langue crépusculaire :
L’allusive,
l’implicite,
celle qui n’aimait que l’écho,
l’ombre,
les pistes
qui ne chantait
que les trajets errants
de tous les vocables possibles,
de tous les sens possibles »
(Quatrième de couverture)
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