Le 18 octobre 2011 disparaissait le très grand poète contemporain Andrea Zanzotto.
On peut lire aujourd’hui sur le site un article rédigé par Martin Rueff pour le prochain numéro à paraître de la revue Po&sie.
Voir aussi en fin d’article la liste de toutes les ressources concernant Andrea Zanzotto sur le site Poezibao.
Moisissures
– L’éternel tremblement des feuilles
– Arrêtez un instant !
– Ça suffit
– Dérive au point
Dérive au point
– Avec tant de nébuleuse verte
flamboyante en vain,
vertige d’éveils
des fissures du ciment
– Conduite continue en hypnose
que stimulent des yeux-doigts étouffants
– Étouffe – c’est l’heure – allez, cesse
de feindre d’attendre en spasmes
– Nous t’accordons des brevets et des licences
de haute séduction –, mais ça suffit
– Destins sequins, pinocchios grand éclos1,
torsions de déjà-vu, mais ça suffit
– Petite moisissure de la planète ou pain des bois
râpé avec munition ou affliction
d’un logos qu’on ne trouve plus qu’en location.
– Et je t’y reprends avec ton éternel tremblement des feuilles
– « Gris tombe le soir ; qu’il se confonde
avec le bruit du four à micro-ondes. »
Andrea Zanzotto, in revue Po&sie n° 109, un des deux numéros spéciaux consacrés 30 ans de poésie italienne (1975-2004), traduction de Philippe di Méo et Martin Rueff, p. 146
1. Double jeu de mot du poète : sur le signifié, puisqu’il réactive le nom du personnage Pinnochio en y faisant entendre le mot « occhio » du vers 11 (dita-occhi : les yeux-doigts des mousses) ; sur le signifiant, puisque le poète offre la rime interieure occhi (yeux) sbocchi (efflorescences). (N.d.T.)
Muffe
– L’eterno tremolio delle foglie
– Sostate un attimo !
– Basta cosi
– Deriva al punto
Deriva al punto
– Con tanta nebulosa verde
fiammellante,
invano,
vertigine di risvegli
da fessure nel cemento
– Continua induzione in ipnosi
da soffocanti dita-occhi stimolata
– Soffoca – è ora – su, cessa
di fingere d’attendere in spasimi
– Ti concediamo brevetti e licenze
d’alta seduzione –, ma basta
– Destini zecchini, pinocchi, sbocchi,
torsioni di déjà-vu, ma basta
– Muffetta del pianeta à grattugiato
pan di legno munito o afflito
da un logos comunque in affitto.
– E dagli con l’eterno tremolio delle foglie
– « Grigia scende la sera e si confonde
col rumore del forno a microonde. »
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Les lavandières
Toutes les femmes vont au lavoir :
ce n’est pas un devoir
mais un destin
comme l’amour ou un bambin,
ou comme notre heure quand elle vient.
L’heure s’écoule et lave,
avec l’eau qui s’enfuit,
l’eau qui de cette vie aussi,
et non seulement nos quelques habits
nettoie.
Femene che le lava
Tute le femene le va dó al lavador :
no l’é’n mistier’sto qua
ma l’é’n destin, cofà l’amor
o’n fiól, o la só ora co la vien.
La va dó l’ora e la lava
co l’acqua che la fila via,
l’acqua che anca de’sta vita
e no sol de’st póche nostre robe
la ne fa pulizhia
Donne che lavano
Tutte le donne si recano al lavatoio :
non è un lavoro codesto,
é un destino come l’amore
o un figlio, o come l’ora nostra quando viene.
Va giù l’ora e lava
con l’acqua che fila via,
l’acqua che anche di questa vita
e non solo di questi nostri pochi indumenti
ci fa pulizia.
Andrea Zanzotto, Idiome, traduit de l’italien, du dialecte haut-trévisan (Vénétie) et présenté par Philippe di Méo, José Corti, 2006, pp. 168 et 169
Andrea Zanzotto dans Poezibao :
note bio-bibliographique, extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4