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Ludovic Degroote, La Digue, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Ludovic Degroote, La Digue, épisode 11
on devient pluie
on ne lave rien
bave épaisse
coulant
devant
sous la langue
qui sèche
Moments posés bout à bout, on va un temps quitter l’intérieur, vivre en surface, là où l’air ne pèse plus.
L’absence de force pousse un peu plus loin, la peur de s’arrêter, au moment où les choses se séparent, on est mieux avec ce qui continue.
Quand ça déchire l’intérieur l’impression, la tête se fait trop lente pour être là, ça s’en va, avec les restes et ce qui manque on écrit.
Les yeux rivés dessus, on ne voit pas que ça passe, les mots se répètent pour se dire, ils ont du mal, on est au bord de tout comme si le poids du vide écrasait nos épaules.
On franchit de larges espaces barrés par la pluie, incomplets, et qui nous encombrent – le soir, quand elle monte, la brûlure de la langue est une douleur rassurante.
Les choses à l’intérieur, à force on ne les sent plus, elles sont si présentes, on ne les voit plus – tout pèse : à chaque instant où on se quitte ça revient.
Ça ne va pas toujours plus loin, on paraît figé, ce qui bouge où ça entraîne on n’en sait rien, on reste à côté, on regarde, les mots ne bougent pas sans regard.
Même à la fin, il doit rester un peu de cœur, de quoi mener plus loin, un peu après le cœur ça ne tient plus.
Ludovic Degroote, La Digue, Éditions Unes 1995, (épuisé), pp. 55 à 57
[à suivre : épisode 12/14 lundi 21 novembre 2011]