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Ludovic Degroote, La Digue, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Ludovic Degroote, La Digue, épisode 12/14
Le temps qui passe, on vit dessus comme sur quelque chose d’incertain, on est là comme si de rien n’était, maintenant c’est un premier jet, où ça va on ne sait pas.
On sent qu’elle s’oublie, alors on va franchement, les odeurs disparaissent, ce qu’il reste de soi est porté par le vent.
Les bouts on les franchit, le seul qu’on atteigne on ne le voit pas, on est en vie on n’en sort pas, voilà qui procure de la joie, qui dit qu’on est dedans.
Une petite musique dans la tête, elle nous accompagne tout le temps, dans le silence. On entend de soi ce qui traîne dehors, on n’est pas seul dans le monde.
Il y a tellement de choses qui flottent sous la pluie d’un air indifférent, ce qui vient de dedans ça n’est plus brut, c’est modifié, il n’y a personne où on est, ce qui bouge ne se voit guère, on s’éloigne.
On n’atteint pas ce qu’on voudrait dire parce que ça n’existe pas, ce qui existe on n’arrive pas à le dire, on se brûle la langue, la bouche va de plus en plus sèche, elle couvre, quand on fait la digue aussi c’est une couverture du temps, on attend.
On se pose bout à bout, chaque fois à côté, difficile de se réunir, on ne s’arrête pas, la digue comme on la recommence elle est sans fin, l’inondation c’est pas pour nous, on est plein d’impressions, on n’en sort pas, devant la falaise s’éboule et avant que le regard y touche, on sent la langue rétrécir.
Ludovic Degroote, La Digue, Éditions Unes 1995, (épuisé), pp. 59 à 61
[à suivre : épisode 13/14 mercredi 23 novembre 2011]