Sur le principe du feuilleton, voir ici
Se termine aujourd’hui ce tout premier « feuilleton » de Poezibao, consacré à la réédition d’un livre épuisé de Ludovic Degroote, La Digue. Un PDF de l’intégralité de ce texte est joint à la fin de ce dernier épisode.
La semaine prochaine, début d’un nouveau feuilleton, Mont Ruflet, d’Ivar Ch’Vavar.
Ludovic Degroote, La Digue, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Ludovic Degroote, La Digue, épisode 14/14
On tient ses doigts dans la main, on les met sous le nez à quoi ils ramènent le monde, même quand on n’a pas le sens de l’odorat développé, c’est un réflexe, on est bien.
Des bouts de tout, entièrement séparés, on les traîne, fondus dans ce qui dure, et puis ça s’éparpille, la digue rabote le pas : on s’y défait.
On est sur le point de faire un pas, la mer bouge un peu – elle remue au bord de ce qui la fixe.
Comme de la facilité, une ouverture claire devant la pluie, les mots eux sont au sec – une plaie, bouche-trou.
Ça moisit, tout ce qu’on traîne trop longtemps dans l’humidité, en s’imprégnant ça gagne, ça s’étend jusqu’au bout, ça se rejoint.
On dirait du silence sa façon de couler lente et sans bruit, elle nous déchire, on s’éloigne.
Ce qu’on écrit au bord ça se passe, pluie d’images courant dans le flot continu, les mots se noient dedans – loin de nous qui avançons en surface.
À force d’écrire on a parfois l’impression d’étouffer, comme si les mots gonflaient dans la gorge, ou se serraient, ce qui dure d’eux c’est leur incapacité à se défaire.
La vie moins la vie
ça tiendrait mieux pour les choses où on ne sait plus comment les porter
ni comment ça peut encore durer dans l’espace où on étouffe
elles regardent ailleurs nous aussi
on ferait comme se retirer de tout ce qu’on est.
Wimereux – La Madeleine, 1990-1991.
Ludovic Degroote, La Digue, Éditions Unes 1995, (épuisé), pp. 67 à 69
[fin]
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