[notes précédentes, 1, 2, 3, 4]
A l’aube, mais si tard, reviennent (pour n’avoir jamais été notées ?) – comme des odeurs, des chuchotis ou des parasitages de l’immédiat – de marmonnantes « sensations politiques » ...
... constitutive fut, dans les années d’immédiate après-guerre (deuxième guerre mondiale), contre la joue,
l’odeur-souffle d’un poste de radio, chaude :
bakélite et poussière, elle émanait d’une petite demeure derrière un rectangle de toile verdâtre tendue (auprès de la petite vitre portant les noms des stations) ;
une minuscule ampoule, filaments orangés, y brûlait
des voix, peut-être des micro-personnages logés là, tressautaient bougeaient ...
voix nasillardes dans la cuisine mesquine d’alors : elles venaient du fond de l’espace comme aujourd’hui de celui du passé
aride, ce fut bientôt le temps de la guerre de Corée, 1950-53 (« Temps du monde : la Corée » écrivit à l’époque Vittorio Sereni),
il s’insinuait comme une odeur en trop dans celles de l’entre-soi familial
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... et l’Indochine ? l’Algérie ? énormes masses, pressions inflexions courbures orangées de tout le passé
les faire venir... dans quelle attention d’après-coup,
les dilater nuages-terres sanglants
les dilacérer enfin, rageusement, dans un coin, suppléant l’enfant qui ne pouvait...
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ah ! (8. h., début mars) : qu’est-ce qui vient de cligner dans la minute précédente, au-dehors ?
aux ramifications noires qui sur fond du ciel pâle de l’aube paraissent, vues d’ici (à travers les vieilles vitres, verruqueuses par endroits), aussi fines
que des mailles
s’est pris ... quoi ... une palpitation – un battement, probablement, d’aile (à contre-jour), ramier ou corneille...
et tout le senti a été, vibrant comme une toile,
brièvement sûr
rien de « nécessaire » ... mais ... si cela
n’arrivait plus
jamais... alors... quelle
mort ?
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C’est tout simplement qu’elles sont infixables, ces notes : dès qu’elles se saisissent, si peu que ce soit, de ce qu’elles désirent, elles perdent toute stabilité.
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Une vie durant : de la « poésie-peut-être » ?
bien sûr, pas de nom pour ça, jadis, dans l’enfance, après guerre (en rentrant le soir, dans la rue grise orangée... décombres blancs béants)
impossible, en ce temps-là, d’en parler ou de s’en rien dire...
poésie, cependant, comme arrachement ?
espoir de jadis... à reconnaître enfin ?
avoir prise
en certains instants (dans les odeurs d’herbes agrippantes au pied des murs), par la seule faiblesse-force du sentir
sur quelles puissances mouvantes qui
se retournant sur « moi » – sur la charge qu’il se révélait impossible de ne pas être pour soi-même
m’aurait arraché de ma place,
ou auraient ressaisi ma propre réalité
– pour la refondre et
me faire substantiellement devenir ce qui ne serait plus, enfin,
un « soi » que mêlé de souffles libres, d’éclaircies, d’altérités palpitantes ...
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Rien, dans ces notes, ne se sera réellement mis en mouvement si elles ne se simultanéisent pas sensiblement (dans quels éclairs d’évidence ?)
avec
ce qu’il doit en être pour les autres
– c’est-à-dire encore pour moi (la question me revenant plus vive d’être passée « au-dehors » –
du désir ou de l’espoir, vague peut-être mais tenace, de « se restituer » ...
Que puis-je en savoir, en percevoir, en deviner, dans la rue par exemple ? Quoi d’autre que de pauvres idées, de grossières représentations (il n’y aurait, chez « les gens », que résignation à de l’effondrement lent, ou une décomposition vague du « soi »... – mais non... peut-être pas...) ?
suite vendredi 6 avril 2012