(notes précédentes, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7)
... quoi, alors, d’analogue à de ... la « loi » (au sens Lefort) ?
une force-souffle d’espacement ou de soulèvement de toutes les positions de mots dans une phrase ou un vers
analogue (non, davantage : c’est sans doute le même élan) aux positions-poids des vies dans l’ « entre » ?
chacun se révélant n’être soi que par le passage de l’être-soi en qui que ce soit, indéfiniment
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« lois brûlées dans l’éclair du silence » (Nelly Sachs)
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À reconnaître aussi, dans ces notes, des matériaux possibles (pour un temps qui ne viendra que douteusement ?) ...
des tas de terre mentale, des amas de confusion, des chantiers abandonnés sous quel vent de panique (fuite...)
et restés à béer sous la pluie
dans l’air blanc… ?
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Parfois, encore et encore, furieusement, s’acharner sur le déjà fait, sur le trop formé-formulé
– et le redécomposer en micro-entités s’évadant, se perdant dans le brouillard ?
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Revenir (en retraversant parfois des années, parfois quelques jours ou simplement deux ou trois heures) sur ce que, en général, j’ai écrit, serait-ce me couler contre mon propre cadavre ?
Peau encore vivante contre peau glacée pas tout à fait morte ... Sueur froide dans l’entre corps, dans le contact mi-vie/mi-mort...
... devant le poste de garde d’une cour de caserne (en Lorraine),
en pleine nuit, dans cette camionnette de la gendarmerie où je n’avais pu entrer qu’en rampant à tâtons,
c’est d’un coup,
et de tout mon propre corps,
que je découvris que ce jeune soldat (vingt ans comme moi)
dont on venait de me dire qu’il était blessé et attendait des soins
était en réalité déjà froid
alors il fallut ...
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Trop de notes-papier : retrouvées vieilles et sales ?
Oubliées et conservées ... à ne plus savoir qu’en faire... Trop « matérielles ». Terreuses.
Papiers accumulés (cahiers, carnets, feuilles volantes) :
ils demeurent là, près du lit,
c’est un encombrement... un étouffement... ou d’innombrables micro-gémissements, des odeurs qui réclament
c’est comme si, des morts de la famille, on avait conservé, depuis des décennies, les vêtements, les sous-vêtements, divers objets à usage plus ou moins personnel,
tout ce qu’on n’aurait pu se décider à jeter
(et pourquoi pas des objets de vieillards d’il y a deux cents ans ? ou plus ?)
ou comme si, par exemple, on cohabitait intimement avec les chaussures usagées des morts, cuites au dedans par la sueur des pieds, ouvertes au vide comme des bouches.
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... le désir de penser : où, chez qui, en quels endroits (jointures internes d’un individu ou jonctions grinçant-saignant entre plusieurs) de la vie naît-il ou s’insère-t-il – parfois jusqu’à la folie ?
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« Penser » ! enfantinement... :
le désir fou ou idiot de « penser »
je n’aurai pas cessé, toute ma vie, de me réaboucher à un instant vécu à l’âge de cinq ou six ans dans la cour d’école
il me fallut alors,
en proie à un éblouissement morne, et pour éviter
ou du moins retarder je ne savais quoi,
m’acharner à compter le plus loin possible
– c’est-à-dire à décomposer le temps
en une immédiatement sensible puissance grésillante
du continu
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Lenz Les Soldats (j’avais jadis plongé dans ce texte après avoir vu à la télé, en 1992, l’opéra, comme en fusion, de B.A. Zimermann) II 2 :
« Pirzel [Bilboquet] lui [l’aumônier Eisenhardt] prenant la main avec véhémence : D’où cela provient-il, Monsieur le pasteur ? De ce que les gens ne pensent pas. (Il se lève et prend une pose très théâtrale, à demi tourné vers le groupe des officiers.) Il y a un Être parfait. Cet Être parfait, je peux ou bien l’offenser, ou bien ne pas l’offenser.
L’un des officiers, se retournant : Tiens, le voilà qui recommence…
Pirzel, tout à son affaire : Si je peux l’offenser (il se tourne tout à fait vers le groupe des officiers), alors il cesserait d’être parfait.
Un autre officier : Mais oui, Pirzel, tu as raison, tu as cent fois raison !
Pirzel, se retourne rapidement vers l’aumônier : Si je ne peux pas l’offenser…
Il lui prend la main et reste figé, plongé dans ses pensées. »
Un peu plus loin, derechef : « cela provient de ce que les gens ne pensent pas. »
(Lenz, l’auteur des Soldats, deviendra le personnage en proie au délire, errant dans la montagne, béant sous le ciel et face à la terre, du Lenz de Büchner.)
suite 9 le vendredi 13 avril 2012