JOURNAL
AVRIL 1971
19 avril : Passerelle Sud
Je
regarde par la fenêtre dans la campagne au nord de New York
vois
la Méditerranée s’étirer sous mes yeux
en bas des collines rocailleuses de Faro, trois
ans, deux mois, quatorze jours plus tôt .
8 h 25 du matin
Rosemary s’est recouchée, rose & blanche .
Je
reste à la fenêtre du salon, bois du café, ouvre
les portes . Début de la tiédeur, mais
quand même je love les mains autour de la tasse, compte
les bateaux de pêche dans l’éclat du soleil, qui avancent vers la côte
maintenant
lentement, ou
suspendus immobile sur la mer étale .
un gros bras bleu s’étire depuis les côtes, ondule
où le vent et les courants montrent
leurs muscles sous la peau bleue de l’eau
étirée sous mes yeux .
Le
café est
froid quand j’atteins le fond de la tasse . Je
re
tourne à la cuisine pour en prendre du chaud . glisse
orange dans la poche de la robe de chambre, attrape un couteau, reviens
sur le balcon avec la nouvelle tasse où la mer bleu étale
m’emplit le regard dans l’éclat du soleil .
s’étire sous mes yeux.
La Passerelle Sud : l’érable par la fenêtre
se réchauffe dans le soleil précoce . des
bourgeons rouges au
bout
des branches
commencent leur lente éclosions . Verts
bientôt
Joan
frotte
ses jambes
contre les miennes sur le palier, des-
cend
me
préparer mon œuf . Carlos saute sur les
marches en bas . On bouge.
Tous nos adieux dé-
jà préparés à l’intérieur de nous . tooouuuutes
nos
morts que nous portons en nous, jaune double, la
fragile dureté de la coquille . elle rend
possible de manger, possible l’amour
tandis que les bourgeons rouges s’ouvrent dans la lumière
possible vert, pendant que des jambes bougent contre des jambes
douceurs possibles . L’œuf
à la coque est prêt maintenant .
Maintenant
on mange.
Paul Blackburn, Villes, suivi de Journaux, traduit par Stéphane Bouquet,
coll. série américaine, José Corti, 2011, p. 187.
version originale du
poème
Paul Blackburn dans Poezibao :
bio-bibliographie, ext.1, Villes suivi de Journaux (JP Dubost)
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