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Rédigé par Florence Trocmé le samedi 29 septembre 2012 à 10h10 | Lien permanent | Commentaires (0)
Rappel : agenda, liens, informations sont désormais publiés ici
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Les articles publiés dans Poezibao
cette semaine :
Carte blanche
En
mémoire d'Henri Bauchau, deux articles de Béatrice Bonhomme
notes de lecture
"et
leçons et coutures" de Jean-Pascal Dubost, par Georges Guillain
"Voix"
de G. Wajcman et "Une voix et rien d'autre" de M. Dolar, par Anne
Malaprade
« Anthologie permanente »
Serge
Sautreau
Fabienne
Courtade
Paul
Blackburn
Poètes
[poètes]
Serge Sautreau
Feuilleton
«
Jours naturels, cahier CIII », de Bernard Collin 13/15
«
Jours naturels, cahier CIII », de Bernard Collin 14/15
«
Jours naturels, cahier CIII », de Bernard Collin 15/15
Ce feuilleton est terminé et avec la dernière parution, mise à disposition du
fichier PDF de l’ensemble des 15 épisodes.
Prochain feuilleton (à partir du 6 octobre), Patrick Beurard-Valdoye.
Notes sur la création
Paul
Valéry
Livres reçus par Poezibao
[Poezibao
a reçu] du samedi 29 septembre 2012
Notamment Fabienne Courtade, Paul Louis Rossi, Eduard Mörike, les revues Europe et Fusées, etc.
On peut aussi consulter les notes personnelles publiées sur le Flotoir
Pascal Quignard (Les Désarçonnés), et
Nadia Boulanger.
Rédigé par Florence Trocmé le samedi 29 septembre 2012 à 09h47 dans Poezibao Hebdo | Lien permanent | Commentaires (0)
Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages
reçus par Poezibao.
• Fabienne Courtade, Le même Geste, Flammarion, 2012, 18€
• Paul Louis Rossi, La Route du sel, textes et dessins,
photos de Nabil Boutros, coll. Carnet recomposé, éditions Herscher, 2012
• Eduard Mörike, Chant de Weyla et autres poèmes, traduit
de l’allemand et présenté par Jean-Yves Masson, Orphée la Différence, 2012, 7€
• Théophile de Viau, Ici mon Désir est ma loi, choix et
présentation de François Boddaert, Orphée La Différence, 2012, 5€
• Philippe Blanchon, La ville vue de dos, La Termitière, 2°12 ;
7€
• Chantal Dupuy Dunier, Celle, L’Arbre à paroles, 2012, 8€
• Chantal Danjou, La Mer intérieure, entre les îles, Éditions
mémoire vivante, 2012, 16€
• Jean-Damien Roumieu, Comme si le Rien était, L’Arbre à
paroles, 10€
• Marc Corigliano, L’Homme de pain, La Termitière, 2012,
15€
• Jonas Ekhr, Le Partage des airs, L’Arbre à paroles, 2012, 7€
• Eric de Monteynard, Ce qui, la nuit, L’Arbre à paroles,
2012, 12€
• Luc-André Rey, fragments 2, coll. Résidences de l’Arbre
à paroles, 2012, 10€
• Luc-André Rey, qui a connu la rue, L’Arbre à paroles,
20126€
• Christophe Frionnet, Célébration suivi de Territoires et tangentes, avec dix
aquarelles de Joaquin Escuder, Éditions Delatour France, 2012, 12€
• Eric Dubois, Mais qui lira le dernier poème, publie.net,
2012, 2,99ۥ
Revues
• Fusées, n° 22, 20€
• Europe, n° 1002, octobre 2012 « le
théâtre espagnol du Siècle d’or », 20€
• Le Cahier du Refuge, CipM, n° 214
• Friches, n° 110 et 111
• Siècle 21 n° 21
On peut aussi consulter l’espace
d’informations de Poezibao, qui
présente parfois des livres qui viennent de paraître. Ainsi que celui consacré
aux revues.
Rédigé par Florence Trocmé le samedi 29 septembre 2012 à 09h37 dans Poezibao a reçu | Lien permanent | Commentaires (0)
Incertitudes et promesses de la voix : deux livres des éditions Nous cherchent à (d)écrire les modulations de la voix, entendue aussi bien comme son produit par le larynx humain et faculté de parler et de chanter, que comme suggestion intérieure, conseil, avertissement, appel, supplication. Dans toutes ces manifestations, la voix fait preuve d’une vivacité et d’une perspicacité étonnantes. Juste ou fausse, mélodieuse ou effrayante, blanche ou démoniaque, elle est tout à la fois le support, l’occasion et la réalisation d’une mise en scène textuelle que l’écrivain — Gérard Wajcman — et le philosophe — Mladen Dolar — accomplissent selon leurs ressources propres, témoignant d’une culture et d’une ouverture généreuses à l’autre de la voix : virtualités du silence, vibrations du chant, actualités des cris.
Le livre de Gérard Wajcman, sobrement intitulé Voix, prend comme point de départ l’expérience de l’écoute de
l’enregistrement d’un castrat. Pour Stendhal, cette voix n’est qu’un
« bruit […] offensant » et un « charivari
dégoûtant » : le psychanalyste mélomane qu’est Wajcman tente alors de
comprendre et d’analyser la violence d’une réaction par laquelle Stendhal
cherche à oublier le son au profit de l’image. Horreur, déchirement, présence
envahissante, blessure sonore que l’auditeur peut tenter de refouler par la
concentration sur l’image et le visuel. L’opéra, justement, constitue ce
spectacle total qui met tout en œuvre
pour la voix/voie ? de notre désir, voix du leurre, voix du corps de celui
qui la porte, de celui qui la reçoit. Le castrat, objet fétiche, objet-femme,
enfant éternisé, produit d’un jeu de masques et de coupures, exerce
effectivement une fascination sur l’auditeur et le spectateur qui conduit à
énoncer ce constat : « Ainsi la voix apparaît-elle cache, exaltant un
corps qui se magnifie en elle, mais aussi, proclamation d’un manque qui le
déchire. Par où la voix rejoint le masque. Masquer dans le chant. » L’histoire
des castrats et celle de leur réception par un public médusé, l’étrange
adoration qu’ils suscitent, et ce jusqu’au sein de l’Église catholique, l’affirmation
spectaculairement ambivalente qui les lie aux deux sexes, à l’ange et au
démon, leur participation grandiose à l’opéra. Enfin, après leur succès,
leur marginalisation puis leur bannissement, et surtout les liens évidents
qu’ils mettent en jeu entre la question de la voix et celle de la
castration : autant d’éléments qui expliquent que le castrat, par son
chant pour certains inouï, pour
d’autres inaudible, voile en dévoilant, montre pour mieux cacher ce que chacun
d’entre nous brûle de découvrir tout en s’interdisant d’aller au-delà du
visible et de l’audible.
« Chut ! » est le titre impératif donné à un livret
d’accompagnement rédigé à l’occasion d’une mise en scène de Don Giovanni de Mozart à Toulouse en
2005, et dont le texte est repris en contrepoint du premier essai : cette
fois, autre mystère, ce sont les pierres tombales qui donnent de la voix, une
de ces voix dont on ne se remet pas, voix dont on ne revient jamais.
Avec Une Voix et rien d’autre, Mladen
Dolar signe un livre essentiel, qui pense la voix, l’écoute et la reçoit en
recourant à des outils aussi divers que l’histoire, la psychanalyse, le cinéma,
la littérature, la linguistique, la politique, la musique ou la philosophie.
Lacan et Freud, Kant et Heidegger, Kafka et Deleuze, Aristote et Platon,
Saussure et Jakobson, Badiou et Derrida dialoguent et leurs propres voix, ne se
confondant jamais, permettent d’observer les mutations et les inflexions des
modulations vocales humaines dans le concert des œuvres et des systèmes, des
projets et des mises en scène. Cette théorie de la voix se lit comme un roman
d’aventures dont les péripéties dans le temps et l’espace sont toujours
passionnantes. Certains passages sur la voix des dictateurs par exemple,
l’analyse d’une scène centrale du film de Charlie Chaplin, Le Dictateur, l’interprétation qui est proposée de l’impératif
kantien, ou encore la description analytique de la voix silencieuse du
psychanalyste, proposent des éléments fructueux pour distinguer entre parole,
énoncé, énonciation, timbre, accent, endophasie, vocifération, rire ou babils.
Ce livre propose des cadres descriptifs et interprétatifs, des schémas et des
paradigmes multiples, tout en parcourant l’histoire de l’humanité sous l’angle — la
tessiture ? — d’une voix qui vibre de toutes les émotions, de toutes
les révélations que l’homme se murmure ou s’arrache à lui-même et aux
autres. Les deux derniers chapitres
explorent les voix de Freud puis celles de Kafka. Là encore, l’angle d’attaque
choisi éclaire les deux topiques élaborées par le père de la psychanalyse aussi
bien que certains des récits les plus difficiles de l’auteur de La Métamorphose. Médecins, prêtres,
professeurs (dont les missions impossibles traversent cette question de la
voix), mais également acteurs, poètes, étudiants, mélomanes, rhéteurs,
aphasiques : vous, toi, nous, moi, eux, lisons et accompagnons cette voix,
une, singulière et porteuse d’universel, que Mladen Dolar approche à partir de
l’axe des liens sociaux, amicaux, familiaux et amoureux avec un talent
didactique précieux. « J’essaierai de démontrer qu’à l’exception des deux
usages les plus répandus de la voix — la voix comme support du sens
et la voix comme source d’admiration esthétique — il existe un
troisième niveau : un objet voix qui ne disparaît pas en fumée en
transmettant le sens, et ne se solidifie pas en un objet de profond respect
esthétique, mais qui fonctionne comme un point d’aveugle dans l’appel et comme
une perturbation de l’appréciation esthétique ».
[Anne Malaprade]
Gérard Wajcman, Voix, Nous, 2012, 90
p. (sur le site
de l’éditeur)
Mladen Dolar, Une Voix et rien d’autre,
2012, 268 p. (sur le
site de l’éditeur)
Rédigé par Florence Trocmé le vendredi 28 septembre 2012 à 10h03 dans Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
Interprète, grammaire et théologie, celui qui fait entendre les sentiments, les
paroles, les écrits des autres, lorsqu’ils ne sont pas intelligibles. Il tient
son cahier d’une main, écrit sur, vous voyez le résultat. Pas d’interprétation.
Les catholiques soutiennent que l’interprétation appartient absolument à l’Eglise,
quelques-uns disent que c’est le S. Esprit qui l’interprète (l’Ecriture) à
chacun au fond du cœur, Diderot théologien. Il faudra envisager, on pourrait,
une commémoration des crimes de l’Eglise, la première institution totalitaire
criminelle génocidaire, un jour pour célébrer toutes les victimes, la Fête des
Martyrs des tribunaux ecclésiastiques et du S. Office et de toutes les
institutions saintes et le souvenir des condamnés à mort par le S. Esprit
réputés innocents. Le jour des Innocents. Tous les hommes et les femmes brisés
par la S. Eglise, vous n’avez rien à dire en faveur de votre belle
construction, toutes les occasions de briser un être humain, le service
militaire, l’école, la famille, la nourrice, la petite enfance, la crèche, le
dimanche, la messe, le catéchisme, le sport, le jeu, la promenade, le foot, le
basket, le vélo, le patin, tout ce qui roule sous les pieds, le travail,
l’entreprise, le bureau, les vacances, la retraite, le troisième âge, les
associations, le club, la résidence, le mouroir. Rien à dire contre, rien à
dire pour, ceux qui restent pris dans le filet, vous avez sauté une ligne, vous
n’avez pas la 22e, ceux qui ne voient rien, et disent qu’ils n’ont
pas vu le filet.
L’E. [en face
d’ « intelligibles »]
épisodes précédents : 1
(avec présentation du feuilleton), 2,
3, 4,
5, 6,
7,
8,
9,
10,
11,
12,
13,
14
En cliquant sur le lien ci-dessous, on peut télécharger le fichier intégral de
cette série en 15 épisodes, extraites des Cahiers de Bernard Collin.
Téléchargement Bernard Collin, cahier 103, extraits
Poezibao rappelle que les éditions
Les Petits Matins ont publié il y a quelques mois 478 Jours naturels (16,25€) et en
2010 un premier ensemble extrait des cahiers de Bernard Collin, Vingt-deux lignes cahier 100
(12€)
[Le prochain feuilleton, de Patrick Beurard Valdoye, démarrera
exceptionnellement le samedi 6 octobre]
Rédigé par Florence Trocmé le vendredi 28 septembre 2012 à 09h46 dans Feuilleton | Lien permanent | Commentaires (0)
JOURNAL
AVRIL 1971
19 avril : Passerelle Sud
Je
regarde par la fenêtre dans la campagne au nord de New York
vois
la Méditerranée s’étirer sous mes yeux
en bas des collines rocailleuses de Faro, trois
ans, deux mois, quatorze jours plus tôt .
8 h 25 du matin
Rosemary s’est recouchée, rose & blanche .
Je
reste à la fenêtre du salon, bois du café, ouvre
les portes . Début de la tiédeur, mais
quand même je love les mains autour de la tasse, compte
les bateaux de pêche dans l’éclat du soleil, qui avancent vers la côte
maintenant
lentement, ou
suspendus immobile sur la mer étale .
un gros bras bleu s’étire depuis les côtes, ondule
où le vent et les courants montrent
leurs muscles sous la peau bleue de l’eau
étirée sous mes yeux .
Le
café est
froid quand j’atteins le fond de la tasse . Je
re
tourne à la cuisine pour en prendre du chaud . glisse
orange dans la poche de la robe de chambre, attrape un couteau, reviens
sur le balcon avec la nouvelle tasse où la mer bleu étale
m’emplit le regard dans l’éclat du soleil .
s’étire sous mes yeux.
La Passerelle Sud : l’érable par la fenêtre
se réchauffe dans le soleil précoce . des
bourgeons rouges au
bout
des branches
commencent leur lente éclosions . Verts
bientôt
Joan
frotte
ses jambes
contre les miennes sur le palier, des-
cend
me
préparer mon œuf . Carlos saute sur les
marches en bas . On bouge.
Tous nos adieux dé-
jà préparés à l’intérieur de nous . tooouuuutes
nos
morts que nous portons en nous, jaune double, la
fragile dureté de la coquille . elle rend
possible de manger, possible l’amour
tandis que les bourgeons rouges s’ouvrent dans la lumière
possible vert, pendant que des jambes bougent contre des jambes
douceurs possibles . L’œuf
à la coque est prêt maintenant .
Maintenant
on mange.
Paul Blackburn, Villes, suivi de Journaux, traduit par Stéphane Bouquet,
coll. série américaine, José Corti, 2011, p. 187.
version originale du
poème
Paul Blackburn dans Poezibao :
bio-bibliographie, ext.1, Villes suivi de Journaux (JP Dubost)
Rédigé par Florence Trocmé le vendredi 28 septembre 2012 à 09h21 dans Anthologie permanente | Lien permanent | Commentaires (0)
Pour
qui écrivons-nous ?
et leçons et coutures* de Jean-Pascal Dubost
Pour qui écrivons-nous ? Et de quoi parlons-nous quand nous disons écrire?
Et si lire, écrire, sont vivre ; si la littérature ou la poésie sont la
vie, qu’entendre exactement par là ? De quelle vie s’agit-il ? De
quelle poésie ? De quelle littérature ? Et aussi de quel(s) je,
quel(s) jeu(x), sont faits, défaits, ces moi, ces « ils »,
s’ordonnant discrètement, en somme, derrière leur nom d’auteur ?
Le livre de Jean-Pascal Dubost, et leçons et coutures, paru aux éditions
Isabelle Sauvage, outre bien entendu, d’abord, l’aspect déconcertant qu’il prendra
pour ceux nombreux qui n’ont jamais appris à lire autre chose que l’évidence
triste et pourtant bigle des journaux, frappe par son capital d’énergie, cette
énergie capitale, que précipite page après page sur son lecteur, ce foisonnant
façonnier, ce terrible jardinier des mots, cet effrayant revitaliseur de littérature,
poète énergumène, qui déclare, « quel que soit son degré d’objectivité
ou d’impersonnalité, [y propulser] haut avant sa relation personnelle
avec la langue » (p 11).
Il n’est pas assuré cependant que la vie – prise au sens courant – de
Jean-Pascal Dubost, propriétaire d’une déplorable Peugeot 106 (p 87), pas
abonné à Canal-Plouc et se chauffant sans doute irrégulièrement au bois, soit
bien rose. Et ce n’est pas le spectacle du monde tel que, selon lui, nous
l’entretenons et en fortifions la quotidienne horreur, qui semble de nature à
le désaffliger davantage. Et pourtant quand tout devrait le disposer au suicide
(p 721), ce pessimiste profond, ce misanthrope exercé (p 103), cet
ennuyé de la vie semble trouver en lui de surabondantes ressources,
d’extraordinaires excédents, pour célébrer sans réserve aucune cette
jubilatoire, éruptive, excitante et possessive activité d’écriture2 par
quoi se coudre enfin, drille ou luron, au monde (p 40), justifier son existence
(p 42), couler « en semence alluvionnaire par toute la waste terre »
(p 44).
Dynamisme de l’être profond ! De ce grand corps de chair débordant
infiniment les limites de nos moi de surface. C’est le privilège des artistes,
des découvreurs, que d’en inventer à tous les sens du terme la forme à chaque
fois nouvelle. D’en tirer pour chacun des modèles de style. Un beau livre de
Marielle Macé nous a récemment exposé comment nos façons de lire pouvaient
déboucher en nous sur de nouvelles manières d’être3. Comment,
s’engager dans les formes des œuvres qu’on fréquente, en recevoir les figures
pour à son tour en élaborer d’autres constituait le fondement même de la vie
poétique4. L’ouvrage apparemment si
particulier de J.P. Dubost qui se présente comme une lectobiographie, un
livre de dettes à l’égard des divers auteurs qui l’auront chacun à leur
manière, en partie, constitué, qui se veut assemblage (coutures) des
diverses « leçons » qu’ils lui auront transmises, en produit
décidément la preuve remarquable.
Le dispositif – simple – mis en place par J.P. Dubost, consistant à partir –
mais sans jamais tenter d’en dessiner le portrait même très éloigné - d’une
succession de noms d’auteurs auquel il emprunte un thème, un sentiment, une
disposition caractéristiques5, manifeste combien les lectures dont
nous sommes cousus bien loin de nous enfermer comme des camisoles libèrent
plutôt pour nous l’espace des possibles, nous ouvrant non pas tout grand mais
pour le moins plus grand, la langue, métissant notre voix, l’alluvionnant de
mille et un dépôts (p 71), pris à toutes les terres - populaire, vulgaire,
verte, littéraire et documentée »… (p 12) - pour faire qu’à son tour,
possiblement, s’écoule aussi de nous et jouissivement un long fleuve de langue
charriant dans le continuum de ses rythmes sa mêlée de parlers, de parlures et ses
flux langagiers.
Ainsi adossé à toute sa littérature, principalement la médiévale et la baroque,
Jean-Pascal Dubost qui n’a d’autre fondamentale ambition que de faire de chaque
poème « intense cueillette de l’instant d’écrire », qui ne se donne
pas d’autre prioritaire transitivité que ce carpe diem d’écriture, impose
une langue qui par la liberté même de ses explorations, les profondes galeries
qu’elle creuse dans les mots, ses inventives édifications syntaxiques, son
festival de tropes et d’archi-tropes, affirme à chaque instant sa formidable
vitalité. Poésie monstre réveillant dans chaque phrase de multiples prodiges, très
difficultueusement déchiffrable pour le profane, certes, mais qui a le mérite
évident de mettre en scène la matière, voire la manière même de l’écrire (p 77)
qui reste bien toujours de remuer, transfigurer, ré-activer, opérer à notre
façon la langue pour lui redonner autant que possible sa puissance de
communication, non pas au sens dérisoire d’aujourd’hui, mais au sens électrique,
quasi commotionnant que ce terme n’aurait jamais dû perdre (p 64).
Mais communication avec qui ? Avec quoi ? J.P. Dubost ne se fait
guère d’illusion sur le nombre d’oreilles susceptibles autour de lui de
l’entendre. Si peu nombreux sont devenus les lecteurs cultivés capables de se
faire à leur tour auteurs de leur lecture, lecteurs délivrant pour eux-mêmes les
possibles du texte, en accroissant les résonances, et toujours l’augmentant.
Cela fait de ce livre incivil, singulier, un livre donc d’abord pour les
poètes, le mot ne désignant pas ici les minces ou gros fabricateurs qui se
prennent pour tels. Ni les bruyants performateurs idéologiques qui plaisent aujourd’hui
à nos temporaires malalphabètes institutions. Poète ici n’est que simple,
simplexe6 amoureux des langues. Langues
qui fouillent et qui se cherchent. Ne visant pas à leur re-production. Mais à
leur production chaque fois déroutante. Extravagante. Déraisonnable7. Certaines que de toute façon comme
écrivait le regretté Daniel Arasse à propos de peinture, on n’y voit rien.
[Georges Guillain]
1 Les références mises entre parenthèses ne sont pour la plupart
mises qu’à titre d’exemple, l’ouvrage de J.P. Dubost revenant très souvent sur
les mêmes thèmes.
2 p 44, partant d’ailleurs de l’admirable Jean-Paul Klée, Dubost
évoque l’expression d’un critique anglais du nom de Vernon Sproxton, parlant de
livre-ha ! c’est-à-dire de livres capables par leur charge
stylistique particulière de provoquer chez leur lecteur un choc quasi physique.
Un frisson d’excitation les parcourant de la tête aux pieds. On pense à
l’aigrette bien sûr de Breton. Ce que peut-être J.P. Dubost ne sait pas c’est
que cette expression est dérivée par le critique anglais du langage des
paysagistes d’outre-Manche qui au XVIII ont inventé le célèbre ah !
ah ! qui fut une manière de libérer les jardins et les parcs de leur
prison de murs ou d’arbres pour offrir au regard l’espace infini du monde.
3 Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Gallimard,
collection Essais, 2011.
4 M.M. ibid., p 266-267
5 Le texte par exemple qui part du nom de Charles d’Orléans ne
reprend à cet auteur que le thème de l’exil. On sait que ce poète fut rançonné
par les Anglais à la suite de la défaite d’Azincourt et qu’il fut ainsi retenu
près d’un quart de siècle en Angleterre. J.P. Dubost s’en sert ici comme
prétexte pour évoquer l’exil du poète dans sa propre langue qu’il ne reconnaît
pas dans la bouche des autres. (p 70)
6 J’emprunte ce terme à la page 104 du livre, où dans la droite
ligne des illumineuses créations verbales de Jules Laforgue et de ses célestes
éternullités, J.P. Dubost parle de la simplexité d’être,
7 Je ne résiste pas à l’envie de reconseiller ici, pour sa parenté
jubilatoire et sa relation tout aussi incivile et libre à la vie, la lecture du
livre d’Eugène Savitzkaya, Fou trop poli auquel d’ailleurs Dubost fait
référence (p 54).
*éditions Isabelle Sauvage, 2012
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 26 septembre 2012 à 09h41 dans Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (1)
Et sans aller jusqu’au bout de cette ligne, il faut d’abord que je fasse mon
lit, et après que j’aurai fait mon lit, trois mots illisibles, je viendrai m’asseoir
ici sur le canapé à côté de madame, de mi
señora, ouvrir le cahier, le poser sur le chameau servant de table en face
du personnage assis, que faites-vous quand ma maîtresse se réveille, et après
le lit qui n’est toujours pas fait, je ne veux pas entrer dans cette chambre,
ou je vous promets de fermer les yeux, c’est juste pour prendre les journaux,
pourquoi les Français aujourd’hui tiennent à vivre dans la douleur,
péniblement, dans le drame et la grande difficulté, parce que la vie est de
plus en plus dure et pénible vous lisez, ou répète, croyez-vous vraiment que la
vie des anciens Français était plus facile, et le Français ancien réputé
frivole, et la légèreté fameuse de cette nation comparée au surpoids
d’aujourd’hui, vous n’avez pas d’explication, quelqu’un propose l’influence
destructrice de l’Église catholique, et cet enseignement de la vie souffrante
et d’un dieu crucifié, mais si vous réfléchissez c’est une histoire difficile à
croire, votre dieu meurt, doit mourir pour ressusciter et par définition Dieu
n’est pas mortel, il faut déjà vous convaincre que ce dieu-là, le bon, le vrai,
peut mourir, et meurt pour nous sauver, meurt pour que nous soyons légers,
frivoles, au lieu de faire semblant d’être crucifiés, ne faites pas les petits
sauveurs en croix, ne vous sauvez pas vous-mêmes, vous avez un sauveur, mais
les papes sont incestueux, les curés sont pédophiles, allez plutôt faire votre
lit.
épisodes précédents : 1
(avec présentation du feuilleton), 2,
3, 4,
5, 6,
7,
8,
9,
10,
11,
12,
13,
prochain épisode lundi 24 septembre 2012
Poezibao rappelle que les éditions
Les Petits Matins ont publié il y a quelques mois 478 Jours naturels (16,25€) et en
2010 un premier ensemble extrait des cahiers de Bernard Collin, Vingt-deux lignes cahier 100
(12€)
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 26 septembre 2012 à 09h26 dans Feuilleton | Lien permanent | Commentaires (0)
Fabienne Courtade publie Le même Geste aux éditions Flammarion.
« Ce livre prolonge le singulier projet que Fabienne Courtade a entrepris
ces dernières années et qui consiste (entre autres) à réintroduire la narration
dans l’écriture poétique : aussi a-t-on moins affaire ici à une suite de
poèmes, au sens courant du terme, qu’à un récit en vers, plus elliptique bien
sûr et plus lacunaire que celui de la prose ordinaire. » (prière d’insérer)
Dehors
les yeux sont ouverts
tous les points de la surface sont
lavés
pour soulever
perception troublée
trous de villes
sont les cadres précis
○
Dehors
ce calme n’existe pas
l’herbe pousse par une fente
toutes mêlées d’air
je souffle
entre les doigts
visage de la blancheur
voix muettes
chuchotent
au même moment
j’aperçois de légers mouvements
○
bleu
jacinthe bleu fondu
ce sont froissements d’ailes rouges
sur bord de périphérie
je reviens sur mes pas
la lumière de la fenêtre est maintenant
à la verticale
gris noir
avec des variations
○
la poussière se fractionne
le ciel est sec
et sans bruit
pas d’ombre non plus
je dessine un lieu circulaire
quelqu’un respire
en me retournant
je vois
Fabienne Courtade, Le même geste, Flammarion, 2012, pp. 7 à 14
Fabienne Courtade dans Poezibao :
bio-bibliographie, aux
parvis poétiques avril 06, une
lecture exposition (06), extrait
1, rencontre
autour de Rehauts, mai 07, extrait
2, Table des bouchers
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 26 septembre 2012 à 09h21 dans Anthologie permanente | Lien permanent | Commentaires (0)
Les belles œuvres sont filles de leur
forme, qui naît avant elles
○
La valeur des œuvres de l'homme ne résident point dans elles-mêmes, mais dans
les développements qu'elles reçoivent des autres et des circonstances
ultérieures.
Nous ne savons jamais d'avance si telle œuvre vivra... Elle est un germe
qui est plus ou moins viable ; il a besoin des circonstances, et le plus faible
peut être favorisé par elles.
Paul Valéry, Choses tues, Gallimard, 1932, p. 28 et 29
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 24 septembre 2012 à 19h50 dans Notes sur la création | Lien permanent | Commentaires (0)