Qui suis-je à ces confins
Qui suis-je à ces confins dépossédés par le sable et le vent, surpris d’une
douceur de cendres ?
Devant la nappe intacte de la mer.
Qui suis-je en cette chambre où je ferme les yeux ?
Une barque s’enfonce en la vase attentive. Happé par l’épaisseur, je m’ensable
et dérive
(Dépossédé par le fer gris de l’eau,
la neige a goût d’étoile entre les dents,
nuit du métal amer étendu dans le vent,
surpris d’une douceur, l’attente me divise, et me retire.)
•
Le vent. Le vent profond et noir.Or le vent immobile.
Très proche infiniment du centre,
interrogeant l’obscur, avec une respiration inquiète, et des images sans
images.
Qui suis-je, en cette chambre ? Il est un échange équivoque où
tremble, dans l’espace des murs simultanés,
le présent simple
•
De l’ongle, je contourne une ombre, pour mémoire. Une lueur arrache le papier
du mur. Il y a le silence, la cicatrice d’un éclair, le silence.
Je marche dans la chambre, en ce réduit,
il marche. Il n’est ici qu’une parole. Une parole qui se forme.
L’abcès profond. Je vis en ce sommeil de l’arbre usurpé par l’hiver. L’abcès
profond de cette chambre. Une douceur froide attriste les murs. L’abcès profond
de cette chambre est le profond fruit noir.
•
Murailles des tempêtes, j’y cloue un fanal. Banquises suspendues, surface d’un
seul gris.
Il demande. J’ai demandé. Rien ne répond
qu’un cri, un cri que l’on isole
des basses tailles de la mer
La chambre alternative, et les remparts du temps. Seulement ce fanal, et
seulement ce clou, rouillé, qui se délite.
Le vent fut la banquise, infranchissable mur affronté la nuit, et l’obscur m’interroge.
L’ombre envahit la houle. Il y a ce silence, en bordure de ciel, la trace
blanche d’un éclair.
Un cri, ce n’est qu’un cri, que l’on
isole. Et le cri meurt, insecte bref, fourbu, entre les lattes.
Jean Laude, « Aridité, ma sœur », in Les Plages de Thulé, La Lettre Volée, 2012, pp. 81 à 84.
bio-bibliographie
de Jean Laude
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