Éphéméride de Paestum
Paestum. Syrinx de pins, de bambous et d’écume.
Les bleus marins font la roue avec des cris de paons.
Les montagnes prennent le large à voiles silencieuses
Vers la côte amalfitaine amarrée à la brume.
Au loin Capri se consume, invisible sauf au soleil du soir.
(Mais si visible le souvenir de nos ailes fragiles
Au-dessus des vignes d’Anacapri vers Monte Solario)
Le filmeur de nuages lévite sur la plage.
La mer dicte et commente l’écriture quotidienne
Avec la rumeur sourde des vagues et des remous.
Le vent arrache les pages d’angoisse et les déchire.
La mémoire souffle des bulles de savon vers le large.
Il y a en nous un dépôt de mort qu’il faut enterrer ici.
Poseidonia. Plus de deux mille cinq cent ans déjà
Que les temples tournoient au-dessus du crâne du temps.
Mais l’os maniaque creuse des trous avec une pelle d’enfant
Dans la poussière de têtes tombées des métopes de la peur.
Le chant du plongeur suspendu dans le vide entre vie
Et mort nous illumine un instant : ainsi la poésie.
•
Soleil sonore
Solo de clarinette dans le Quatuor
Pour la fin du temps d’Olivier Messiaen.
La clarinette s’agenouille de silence
Et prie. Elle se dépouille de tout
Dans la lumière. Les sons brûlent en plein ciel.
Le corps du père mort lévite au-dessus
De coulées de laves sonores oranges et bleues.
Reconnaissance à la musique
Qui a tenu tête au néant
Grâce au silence entre deux notes
•
In memoriam
Savoir depuis toujours que le père voulait que sur sa pierre tombale en granit
rouge corail soit écrite la formule latine « In memoriam ». Devoir lutter contre le marbrier qui s’obstine
plusieurs fois, incompréhensiblement, à écrire « in mémoriam » avec un accent aigu. Corriger l’erreur du
marbrier, jour après jour, avec acharnement et opiniâtreté. Avoir en mémoire le
récit de Rilke consacré au poète Félix Arvers qui, dans la tension de son
agonie, parvient à repousser le moment de sa mort pour corriger une religieuse
qui à côté de lui, prononce « collidor » au lieu de « corridor ».
« C’était un poète et il haïssait l’à
peu près », écrit Rilke. Ainsi le père. Contre le marbrier, à force de
résistance et de persévérance, obtenir finalement gain de cause. Mais nuit
après nuit, dans les pluies battantes des cauchemars, continuer à essayer,
encore et toujours, de mettre le feu à l’accent aigu comme si c’était essayer
de mettre fin à la mort.
Michèle Finck, Balbuciendo, Arfuyen,
2012, pp. 11, 49 et 41
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