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Est-ce que je parle trop..., au hasard de conversations... d’O et de
son histoire ?
En quoi parler de la sorte est-il réel –
c’est-à-dire produisant, plus ou moins aveuglément, des effets ?
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De l’œuvre (à quoi contribuer
l’un et l’autre) ? mot enflé – et déplacé ici… ?
Et pourtant, ce goût de cuisine, cette odeur de jaune d’œuf incrusté à un coin
de torchon...
De l’œuvre qui indéfiniment cuirait, grésillante, se couvrant de bulles à
crever...
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L’entre (en février)… Du chèvrefeuille cornu, presque agressif, tremble à demi
desséché dans le froid, il frotte contre la fenêtre, vitre et bois.
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Il essaie (12 nov. 2007, toujours) de m’expliquer les changements
politiques. « Jusqu’en 89, il y
avait des partis… Mais, le 30 juin 89, un nouveau président » (étrange
précision d’O. : « vérifier » ? ai-je noté en 2007) (octobre 2012 : je viens enfin de vérifier sur Wikipédia : « Le 30 juin 1989,
el-Béchir, devenu colonel, renverse avec l'aide d'un groupe d'officiers
militaires l'instable coalition gouvernementale du Premier ministre Sadeq
al-Mahdi. »)
« Avec le pétrole, il y a tout
désormais pour les compagnies. Pour les étrangers (Chinois, Sud-Coréens,
Indonésiens, Malaisiens) : hôtels, services, tout se développe. »
Les étrangers, comment les voyais-tu ? Leur parlais-tu ?
« Pas question de parler aux
étrangers. Ils bougent beaucoup, en 4/4. »
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O. évoque (le 12 nov. 2007 encore) les
années 95-96-97. Pourquoi ? N’est-ce pas alors qu’on découvre
beaucoup de pétrole ?
Je lui demande si les étrangers voyaient les exactions qui avaient lieu…
Il parle alors de cette « sécurité »
(security) qui est l’un des fils
courant à travers nombre de ses propos apparemment divers.
Il oppose, si j’ai bien compris, la sécurité dont les étrangers opérant au
Soudan s’entouraient à celle que les habitants du village essayaient d’assurer
par leurs seuls moyens …
« Tous les hommes célibataires
montent la garde la nuit, chacun une fois par semaine, jusqu’à 5 h du matin. On
se répartit en petits groupes qui, d’un point à l’autre du bord du village,
restent en contact par lampes électriques. »
Surveiller quoi ? « des
irruptions de quelqu’un ou de quelques-uns qui viendraient chaparder ou commettre quelque violence ».
Je recompose plus ou moins – le moins possible – ses phrases (parsemées de
« tu vois », « comment tu dis ça », « pas exactement
ça »).
Les Chinois, dit-il soudain, bougent avec une « petite armée ».
« Les étrangers ont des camps spéciaux, avec la sécurité assurée partout…
Ce qui se passe, c’est pas leur problème. »
« Ils viennent avec des
interprètes. Pas possible de parler. Les Chinois ne parlent pas anglais. »
« Les Malaisiens parlent chinois, mais aussi arabe, c’est la langue du
Coran. »
« Les étrangers sont toujours dans
leurs 4/4, avec leur « petite armée ». On ne se touche jamais. Si je
passe près d’une de leurs voitures, peut-être leur « armée » va
penser qu’il y a un danger… et c’est dangereux pour moi. »
« On regarde seulement de loin. »
« Les étrangers bougent beaucoup. Des Soudanais travaillent pour eux un
mois, trois mois. Les étrangers payent bien, pas comme les compagnies
soudanaises. »
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Un peu plus tard dans cette conversation particulièrement tenace du 12 nov.
2007, il parle de la terre. De la terre avant la pluie... après la pluie.
Il a dit alors des choses que je n’ai pas bien comprises – et pourtant...
n’était-ce, soudain, pas le plus important ?
Fièvre et faiblesse de l’attention.
« se déplacer », dit-il...
après un silence, il dit (en cherchant le mot... en anglais... je traduis
aussitôt) :
« on fait une frontière »
(là, je n’ai pas compris de quoi il
parlait) (il dit souvent : « tu vois, c’est un peu compliqué »)
« 200 moutons 2-3 personnes »
Des bergers ?
« Oui, des personnes que les gens
paient »
(il a fait ça, lui, oui, je crois qu’il a dit qu’il avait fait ça).
C’est des gens qui bougent, lui dis-je, comme des nomades ?
(J’ai essayé ce mot... le lançant
au-dessus de la table ... dans l’un de ces arcs de paroles en suspens que nous
nous aidons réciproquement à constituer et à soutenir un moment)
Il sourit : « oui. »
Et il dit : « comme des
gitans » (comment connaît-il ce mot ? Où l’a-t-il reçu, dans ses
propres errances à Orléans même ? Plus tard, il me parlera des Gitans qui,
sur les îles de la Loire, attrapent des hérissons et les font cuire...)
Deux semaines auparavant, il a accueilli dans sa chambre des Roms,
une femme et trois jeunes, dont un petit qu’il avait remarqué, garçon couché,
malade, silencieux, sur le banc d’un abribus dans la nuit humide et glaciale,
il les a conduits à la maison, il les a fait entrer dans sa chambre, pour une
nuit – lui, il a dormi sur une chaise –,
une nuit, puis deux...
(puis ils sont repartis)
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9,
10,
suite et fin vendredi 7 décembre
novembre 2012
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