Jean-Pascal Dubost publie Nouveau Fatrassier aux éditions
Tarabuste.
[Extraits de « Le Belluaire satirique »]
« Faire
de mon humeur moy-mesme une satyre »
Mathurin Régnier
« Belluaire » est un dérivé savant du latin bellua (« bête ») (« gros animal ») (voire « monstre »)
par lequel on appuyait sur diverses qualités de la bête qu’on désignait, sa
grandeur, sa férocité, son inintelligence, bellua
étant considéré plus noble que bestia ;
Victor Hugo l’employa au sens de « gladiateur qui combattait les bêtes
fauves » et Flaubert aurait confondu « belluaire » avec « bestiaire ».
La Chevrette
(chrie)
L’homme s’écriant « on a failli se payer une biche ! » la
plupart du temps se trompe, la berlue l’égarant, il aura mal regardé le
derrière de ladite qui a déboulé d’un gaulis et frôlé son pare-choc, car il n’y
pas matière à confondre le derrière d’une biche avec celui, sans queue, blanc,
cordiforme et probablement allumé d’émotion de la chevrette qui maintenant s’enfuit
par la broce et la lande, à moins qu’il ne fût, ce derrière, en forme d’haricot
sec, auquel cas l’homme aura failli se payer un chevreuil –
Le Pingouin commun
(poème gnomique)
Le pingouin commun est un animal grégaire qui nidifie en colonie dans un rayon
de trente kilomètres autour des villes où il fait construire par des congénères
son habitat de couleur crème et attenant à un autre afin de diminuer les
probabilités qu’il soit agressé par un prédateur, et formant ce que les
spécialistes appellent « une zone pavillonnaire », cette disposition représente,
chez le pingouin commun, un « idéal de bonheur » –
Le Chevalier
(poème d’anticipation)
Oiseau de forte complexion, élégant, svelte et portant un bec long et droit, qu’il
fût grand (Pattejaune, Gambette, Arlequin), moyen (Solitaire, Culblanc, Sylvain)
ou petit (Guignette ou Grivelé), le chevalier, auquel autrefois l’homme
attribua quelques surnoms, Bel Inconnu, Chevalier Sans Nom ou Hidalgo de la
Manche, le chevalier a aujourd’hui disparu de nos contrées –
Le Corbeau
(continuation elliptique)
Quand sa colère contre les hommes se fut assouvie, le dieu des hommes fit
diminuer les eaux diluviennes qu’il avait répandues sur la terre afin de les
détruire tous sans merci ; alors Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite
dans l’arche et lâcha maître corbeau en tant qu’éclaireur et messager, lequel
ne revint jamais plus, l’animal avait, en effet, ce que ne disent les Écritures,
à accomplir dans l’éternelle et la plus stricte abnégation l’immense ouvrage
(qui l’attendait) de nettoyer la surface de la terre de l’immense charnier
humain qui la recouvrait –
Notes
La chrie : est une sentence
mise en scène attribuée à un personnage.
Une continuation elliptique : est un terme inventé par Gérard
Genette, par quoi un texte comble une lacune narrative laissée dans le texte d’un
autre auteur (ainsi n’est-il rien dit du sort du corbeau de la Genèse :
« 6. Quarante jours s’étant encore passés, Noé ouvrit la fenêtre qu’il
avait faite dans l’arche, et laissa aller un corbeau,
7. Qui, étant sorti, ne revint plus, jusqu’à ce que les eaux de la terre
fussent séchées. » (Genèse, VIII :
6,7))
Jean-Pascal Dubost, Nouveau Fatrassier,
éditions Tarabuste, 2012, pp. 131,137 à 140 et 142
Jean-Pascal Dubost dans Poezibao :
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lecture (T. Hordé), entretiens
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6, 7, 8
), Terreferme (par T. Hordé), extrait
5, Intermédiaires irlandais (par
Antoine Emaz), Le Défait (par Antoine Emaz), Le défait (par P. Drogi), "Et
Leçons et coutures" par Antoine Emaz, "Et
Leçons et coutures" (par Pierre Drogi)
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