Il y a une frustration normale de vivre du fait simple qu’il n’y a jamais
adéquation (sauf extraordinaire) entre désir et réalité.
La force motrice, la conscience de l’en deçà, du moins, du manque, fonctionne
tant que l’équilibre est à peu près tenu entre le désir de déformer le réel et
la force d’inertie de ce dernier. Tant qu’on gagne un peu et qu’on perd à peu
près autant, on peut continuer la partie. Lorsqu’il y a déséquilibre et que la
déception l’emporte trop, c’est plus inquiétant. Surtout en vieillissant,
lorsqu’on passe insensiblement de « je ferai cela demain » à
« j’aurais dû le faire hier ». L’emploi du temps d’une vie.
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À nouveau, discrète, comme en sous-main, l’odeur des violettes.
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Pas entendu parler du projet Coup de
barre depuis six mois. Rien d’important. C’est l’avantage aussi des livres
d’artistes ; le plus souvent, ils n’engagent qu’un poème, donc le reste du
travail peut suivre son cours. Qu’il s’agisse de l’artiste ou du poète, on peut
s’attendre durablement. D’autant plus que des boulots anciens, presqu’oubliés,
finissent par se faire. Et puis personne n’attend le livre, et peu l’auront
entre les mains ; c’est une sorte d’affaire inter nos, le plaisir de travailler ensemble.
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Lecture : les silences. Leur poids est le propre de la poésie et des
notes. L’interruption, la coupe sont des ruptures par rapport à la langue
continue, normale, usuelle et usagée. Là, on peut respirer. Même si c’est
l’angoisse qui est donnée à lire. Tenir les silences, les pauses ; voire,
à l’oral, les outrer. Inversement, on peut proposer une sorte de continu de
langue, une parole qui se dévide sans arrêt, un soliloque de fou ; c’est
un peu ce qui se passe dans mes proses boueuses.
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Matinée : oraux blancs de bac. Pas trop de mal, écoute flottante. Quelques
élèves brillants, mais la plupart restent assez ternes. Quelques-uns, les plus
drôles, s’emberlificotent dans leurs mensonges mal ficelés ou des aveux de
pénitents faussement repentants. Ensuite, Carrefour pour cause de frigo vide.
Un peu de temps, et puis CA du lycée. Bonne journée.
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Belle matinée de printemps. Ciel gauloises. Je vais me mettre aux copies avant
de ne plus en avoir envie. Mais cette lumière…
Content de la potée de géraniums rouges. L’œil se fixe sur elle parce qu’elle
est encore inhabituelle après l’hiver. Lilas de plus en plus fourni.
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Le silence comme marge et cœur du poème. Avant, pendant, après, entre les mots,
entre les séquences du poème, entre les poèmes, entre les livres. Une sorte
d’immense fond silencieux toujours présent, d’où les mots viennent et où ils
retournent.
Distinguer le silence pur vide, et celui un peu différent d’avant-mot, quand la
langue n’est pas formée encore, mais on la sent arriver, se préciser jusqu’à
devenir parole. Ou bien après-mot, comme l’erre d’un vers, son écho indistinct
qui faiblit jusqu’à rien.
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Ville comme un mercredi après-midi de printemps : rues piétonnes pleine de
piétons, jardin public plein de public. Impression de malaise dans ce trop de
gens ; envie de revenir à ma table, face au jardin calme.
épisodes 1, 2,
3,
4,
5,
6,
7,
8,
9,
suite mercredi 30janvier 2013
©Antoine_Emaz
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