Va falloir que le regard s’habitue au vide laissé par le
petit arbre mort dessouché ce matin. L’œil
glisse maintenant sur le carré d’herbe jusqu’à la maisonnette du fond
qui sert de séchoir.
Sur la land-rover de l’élagueur : « arboriste grimpeur ».
Fin de jour ; j’aime bien cette lumière qui faiblit doucement.
D’ordinaire, je coupe court au crépuscule en descendant les volets. Je crains
ce côté indécis, entre chien et loup, un peu morbide. Mais cette lumière du
soir, encore nette, enrobante…
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Bon dossier du Matricule sur la
critique littéraire. À retenir pour mes notes de lecture : la demande de
plusieurs auteurs pour que la critique mette davantage en perspective le livre
nouveau par rapport aux précédents. Globalement, le pessimisme domine, ainsi
que la dénonciation d’un dévoiement de la critique vers la pub.
Retenir cette phrase de Bergounioux, sans doute trop radicale mais efficace
dans sa provocation à penser : « L’auteur n’est jamais que du social
individué, de l’histoire incarnée. » (Matricule
des anges, n°100, p 15)
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Cloches des vêpres : pour moi, cela signifie préparation du dîner.
Les journées de travail se ressemblent et avec un peu de recul finissent par se
fondre en une pâte grise, un temps indistinct.
Sentiment d’épuisement. Tête vide et corps fourbu. On se sent vieille carne,
réseau rouillé de nerfs.
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Le Havre, lecture. Je garde en mémoire cet homme, râblé et costaud, avec lequel
j’ai parlé dix minutes en fumant un clope dans la nuit, tandis que se
préparaient « le verre de l’amitié » et les signatures. Un type
massif, entier, un bloc : il me dit avoir été touché par la lecture des
poèmes, mais pas par mes réponses aux questions de Jean-Claude Tardif :
« ça me passait trop au-dessus ». On continue la discussion, et je
lui demande : « pourquoi ne pas écrire, vous ? » Là,
bizarre, comme si quelque chose se décoinçait, se déliait en lui, dans cette
masse musculaire contractée que j’avais devant, dans la pénombre. « Mais
vous pensez vraiment que je peux ? » Sidéré par cette question,
qu’elle puisse se poser.
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Bruno Krebs, La traversée nue. Livre
assez inclassable avec son positionnement étrange entre poème et récit de rêve,
humour et tragique, naïveté et complexité, familiarité et solitude, oral et
écrit…
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Camille Loivier, Il est nuit. C’est
une voix presque d’enfant qui fait face à un deuil trop grand pour elle. Mais
elle va le tenir ce chant long de la séparation, avec tous les souvenirs qui
reviennent parce qu’une enfance n’est jamais simple et tout ça pris dans la
voix qui casse et continue au long des neuf chants du livre avec à partir du
huitième comme un apaisement.
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Prise de sang ce matin, et toujours mal au dos. Mais arrivée de mes vingt-cinq
exemplaires de Cambouis. Content.
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Presque 18h00 et c’est encore du jour, un peu blanchâtre certes, mais il y a
bien cette impression de février : être passé du bon côté de l’hiver.
Douleur toujours, dos et jambe. Écrire cette douleur ? Elle est
inconsistante sauf quand brusquement elle s’élance, bloque le corps, tétanise.
Variabilité aléatoire : elle est tapie, surgit, puis disparaît à nouveau.
Vague douleur.
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Fin de la relecture de Cambouis.
Content. Étroite bande passante de ce
livre. Je crois que le lecteur accrochera ou non sur le ton au bout de quelques pages. Ou bien il acceptera que ce ne soit
qu’un ensemble de notes, ou bien il considérera que cela se situe au-dessous de
sa demande intellectuelle minimum. Mais il y a bien du miroitement dans ce
livre, comme dans vivre. Le quotidien jouxte la réflexion, le complexe voisine
avec le très simple, le sourire avec le sérieux.
Ce que je voulais : non pas désacraliser pour désacraliser, cela ne
m’intéresse pas. Mais désacraliser assez pour en finir avec cette posture d’écrivain
ou de poète. Il y a bien un travail
d’écrire, je crois que Cambouis le
montre assez, mais il y a tout autant un « métier de vivre ».
Ces notes peuvent sembler prises à la volée, et je voulais cela. Mais elles
résultent d’un tri dans les carnets avec peut-être trois quarts de perte, sans
compter les reprises et relectures ensuite. Ce gris tranquille du ton, même
s’il est modulé, est obtenu.
épisode 1, 2,
3,
suite le mercredi 16 janvier 2013
©Antoine_Emaz
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