Liliane Giraudon et Xavier Girard publient Histoires d’ail aux éditions un petit
ouvrage à quatre mains, consacré à l’ail.
Le diable d’ail
Le geste chaque fois m’enchante. Frotter d’ail un grand saladier rond de
Vallauris du plus beau jaune m’accorde au monde. L’idée autant que la vue de la
chose me comble. Avant de succomber je n’avais jamais imaginé plus grand
bonheur. Vous avez ôté sa chemise au caïeu, l’avez entaillé de peu ou seulement
écorché au bord de la tablette et entre pouce et index l’avez tenu fermement
puis frottassé en rond contre les parois brillantes avant d’écrabouiller le
reste dans l’huile, le sel et le citron du jardin. En fatiguant la frisée le
contact de ses criques et de cette crème du diable illumine la salade d’un jour
vert et or qui enivre de son alcool digital jusqu’au plus idiot d’entre nous.
*
L’interdit
L’interdit qui le frappe me le rend ordinairement désirable. L’ail n’est pas
seulement un ingrédient, à mi-chemin du condiment et de l’épice, il est, comme
l’oursin, la truffe ou la coriandre, un élément premier, un goût impossible à
réfuter. Aucune confusion. Un ail est un ail est un ail. Et parce qu’il est un
ail, il ne fait pas bon le rencontrer à la table qui a perdu l’usage de la
parole
*
Garlic is garlic is garlic
Soleil Langage comme Énergie.
L’ail dispositif de choc.
Tactique du coup par coup.
L’ail est un « qui ». Il met en scène un sujet. Rend familier l’usage
de l’autre pour un dispositif de choc. Pourquoi l’Alsacien apprécie-t-il le
munster qui rebute le Japonais, et pourquoi le Chinois aime-t-il le durion dont
l’odeur semble excrémentielle aux Occidentaux ? Ce qu’on mange, c’est la
culture.
L’ail montre et révèle (expérience d’une situation à la fois de familiarité et
d’étrangeté).
Réactive (manières autres) la malheureuse opposition de l’individuel et du
collectif. Mais « autrement ». Il le fait autrement. Les mangeurs d’ail
occupent une géographie vivante. Ils allument sur le globe de véritables petits
foyers d’insurrection.
Liliane Giraudon (en ital.) et Xavier Girard, Histoires d’Ail, Argol, 2013, pp. 113 et 114.
On peut lire quelques notes prises en lisant ce livre ici.
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