Sonnets
(17)
La harpe suspendue au vent ne peut empêcher
Que caresse ses cordes le souffle de ta mort
Qui attise un grand feu dans les cœurs
Et égaye les vagues de la haute mer
Au point du jour où tu m’emportas
Te souviens-tu de ces vaisseaux d’argent
De nos dialogues ardents avant qu’aux récifs
Ton front ne plonge dans les vapeurs aqueuses
Pourrait-il t’atteindre ce souffle virevolté
Quand le nuage déjà engloutit tes yeux
Et écouteras-tu le signe endeuillé
Qui se meut vers toi dans le vent nocturne
Entends-tu la mélodie qu’en expirant ont lancée
Mes harpes se rompant dans une douleur finale.
Walter Benjamin : Sonette (1915-1925). Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
(17)
Die Harfe hängt im Wind sie kann nicht wehren
Daß deines Todes Hauch die Saiten rührt
Der in den Herzen große Feuer schürt
Und Wellen lächeln macht auf hohen Meeren
Zur frühen Stunde da du mich entführt
Gedenkst du noch der silbernen Galeeren
Des glühenden Gespräches eh in Schären
Die feuchten Dünste deine Stirn berührt
Kann nun verwehter Hauch dich noch erreichen
Da schon die Wolke deinen Blick umfängt
Und lauschst du noch dem trauervollen Zeichen
Das sich im nächtgen Winde zu dir drängt
Den Klang vernimmst du den ersterbend warfen
Im letzten Schmerz zerspringend meine Harfen.
Walter Benjamin : Sonette (1915-1925).
○
(43)
Une ombre n’a-t-elle pas existence éternelle
Si seulement éternel voulait briller le soleil
Et tourbillonnant descendre de la voûte céleste
Pour faire disparaître cette ombre dans la nuit
Mais dans ma nuit un second incendie
Une sphère solaire qui ne sombrera pas
S’est élevé et en son intérieur grondant
Le désespoir lui donna une bordure de flammes
Le soleil nouveau est mon penser éternel
Rayons de pensées dirigés vers la terre
Se disséminant en cercle des plus secrets
Le cosmos semble pâle dans leur lumière
Mais merveilleux pour y abreuver des dieux
Es-tu l’ombre de ces choses vaines.
Walter Benjamin : Sonette (1915-1925). Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.
(43)
Hat nicht ein Schatten ewigen Bestand
Wenn nur die Sonne ewig scheinen wollte
Daß sie am Himmelszelt hernieder rollte
Macht daß der Schatten in der Nacht verschwand
Doch hat in meiner Nacht ein zweiter Brand
Ein Sonnenball der nicht versinken sollte
Sich aufgehoben und die drinnen grollte
Verzweiflung gab ihm einen Flammenrand
Die neue Sonne ist mein ewiges Denken
Gedanken Strahlen die zur Erde lenken
Und ausgestreut sind im geheimsten Ringe
Das All erscheint in ihrem Licht geringe
Doch wunderbar um Götter draus zu tränken
Bist du der Schatte dieser nichtgen Dinge.
Walter Benjamin : Sonette (1915-1925).
[Choix et traductions inédites de Jean-René Lassalle]