Quelques extraits de certains des livres reçus
par Poezibao cette semaine.
• Valère Novarina, L’Organe du langage, c’est la main, dialogue
avec Marion Chénetier-Alev, Argol, 2013, 29€
« Sur cet alpage, nous montions chaque été avec mes parents lorsque j’étais
enfant. Puis ils ont cessé d’y aller et j’y suis retourné au début de l’adolescence,
souvent seul. C’est ici que j’ai commencé à lire vraiment…Les activités d’écriture
ont commencé beaucoup plus tôt, pendant mon année en pension chez Mme Marullaz,
à Morzine ; j’avais huit ans ; je n’ai jamais su pourquoi on m’avait
laissé si longtemps à la montagne… J’écrivais ; j’allais cacher des
“écrits scientifiques”, des graffitis mystérieux, des formules, des équations,
sous les pierres, sous des mazots (ces greniers qui reposent sur de grosses
piles d’ardoises pour que les souris n’aillent pas manger les grains, la robe
de mariée, et les actes notariés qu’on y conservait), c’est là que j’allais
glisser des feuilles, des plans, des inscriptions.[...] Tout a commencé par des
schémas, des plans, des figures. Plus de géométrie que de mots. Des cercles et
des traits avant les phrases, des combats de triangles, des pensées fléchées.
Le langage apparaissait peu à peu. Mais au début c’étaient plutôt des projets,
des pensées dispersées, jetées, des sigles, des schémas offensifs. » (p. 8
et 9)
• Jean-Paul Michel, Écrits sur la poésie, 1981-2012, Flammarion,
2013, 20€
« Il s’en faut de beaucoup qu’à seulement lire on reconnaisse ce monde –
les “choses mêmes”, avec cette crudité qu’on leur sait d’expérience. Cette
façon unique de surgir, d’occuper de la place, dit Descartes. On se blesse à
leurs angles, à leur masse dans leur rencontre sensible. Elles gênent nos
mouvements. Ou les suscitent, les imposent avec la force de ce à quoi l’on ne
peut rien. Quelque chose est. Nous n’en avons d’abord rien choisi, et même rien
su.
À peine avons-nous commencé de nous aviser de cette évidence, qu’il a fallu
mesurer la distance infinie qui sépare ce qui est de ce que nous percevons ;
ce que nous percevons de ce que nous tentons d’énoncer ; ce que nous
tentons d’énoncer de ce que nous sommes. On imagine qu’il y a un monde. Un. La langue
le nomme en vérité. C’est celui-ci. Nous y sommes. Bien placés pour connaître,
donc. Rien n’y pourra faire obstacle, croit-on. Comme on a du courage, cette
belle évidence promet des mésaventures. » (95)
• Rosmarie Waldrop, Clef pour comprend la langue de l’Amérique,
traduction de l’anglais (USA) Paol Keineg, éditions Héros-Limite, 2013, 16€
Quels sentiers leurs pieds rapides à la
course ont tracés dans l’histoire et la philosophie, avec de clairs
prolongements génitaux en direction des Grandes Plaines. Un toucher d’ailes
dans les airs fera bouger l’entendement. Si vaste, affligé, défait, à la
recherche de compagnons pour priser le
tabac et la conversation. Tourbillon d’alentours, exagérations et
claudication, lingua franca gémissante.
Mayúo ?
Y a-t-il un Chemin ?
ils n’y pas de chemin
Sûr et sauf
agiste
ageant
ageur
(46)
• Claude Louis-Combet, Suzanne et les croûtons, L’Atelier
contemporain, 2013, 15€
La plupart des Croûtons, en dépit de leur impuissance et dans leur impuissance
même, étaient restés des hommes de désir. Mémoire et imagination les
travaillaient, les agitaient, les nourrissaient de visions impossibles et de
sensations inopérante. Le canal qui relie le cerveau et le sexe traversait les
vieillards comme une traînée de feu. » (49)
• Christian Tarting, Il salto, Tarabuste éditeur, 2013, 11€
Voir ces extraits
publiés dans l’anthologie permanente de Poezibao.
• Laurent Albarracin, Le Ruisseau, l’éclair, Rougerie, 2013, 12€
La plus belle eau
quand elle décante elle déchante
quand elle repose elle se dédouble
et se mire
puis finit par gentiment pourrir
(41)