Le Moyen-Âge européen engendre quelques poèmes en forme de roue, étoile, et plusieurs carrés (Alcuin, Josephus Scottus, Milo de St Amand, Abbon de Fleury, Uffing von Werden), à la suite de la réception d’Optatien, en particulier chez les lettrés de l’entourage de Charlemagne. L’un d’eux, le clerc allemand Raban Maur (Hrabanus Maurus), abbé de Fulda, réalise en latin ce qui peut être considéré comme quasiment le premier livre complet de poésie carrée, le « De Laudibus Sanctae Crucis » (Louanges de la Sainte-Croix, Berg 1985) en 810 apr. JC. Ses poèmes reprennent le système de quadrillages de lettres, avec des intratextes inscrits cette fois dans des croix chrétiennes – c’est le thème du livre –, mais aussi dans diverses figures géométriques. Il y ajoute parfois des personnages enluminés creux circonscrivant certains mots. Raban a également réfléchi à la structure carrée, la rapprochant du nombre symbolique 4 et d’une complétude représentant les 4 facettes du monde et de la croix qui l’englobe : poèmes sur les 4 saisons, les 4 éléments, les 4 évangélistes, les 4 branches de la croix. Dans son Carmen V la première ligne en latin : « Crux rogo, sacra Dei signa mihi numine pectus » est transposable en « Croix sacrée de Dieu, marque mon sein de ta puissance ». Dans la croix au centre, on lit horizontal ou vertical : « Inclyta Crux Domini Christi : fundamen et aulae » : « Croix illustre du Seigneur, fondement de l’Église du Christ ». Dans les quatre petits carrés se trouvent des allusions aux quatre saisons.
Illustration : Raban Maur (cliquer sur l'image pour l'agrandir)