Orient du carré
Dans les poésies visuelles non-occidentales, on relève aussi des carrés auprès des chandeliers de lettres hébreux, des complexes calligraphies arabes, des lotus de sanscrit.
Chez les Arabes un des styles de l’écriture kufi (ou coufique) se prête bien à façonner en carré des vers ou même des mots uniques comme le nom de Mahomet. Certaines arabesques angulaires de texte peuvent être développées comme des dédales géométriques que l’on s’étonne à devoir reconnaître comme une écriture. Ainsi à Samarcande en Ouzbekistan sur la Route de la Soie les mosaïques en coufique géométrique (ou carré ou quadrangulaire) abondent, en particulier une dans la Nécropole Shah-I-Zinda qui transcrit la sourate 112 du Coran nommée « Al-Ikhlas »: « Dis : Il est Allah, l’Un / Allah le seul implorable / Jamais n’engendra ni ne fut engendré / Et nul ne L’égale. » Ce poème à la belle calligraphie est devenu profession de foi ou amulette, se retrouvant sur supports multiples dont des tee-shirts.
En Inde la tradition minoritaire maniériste et savante de « poésie de merveille » (Citrakavya) dont une subdivision offre des poèmes visuels aux formes variées (objets, plantes, animaux) comprend quelques carrés et doubles carrés de vers sanscrits permutables (d’abord faussement attribués au grand Kalidasa, 400 apr. JC), ainsi que des poèmes en échiquier dont la lecture suivrait les sauts du cavalier.
Les mandalas bouddhistes indiens, et surtout tibétains, combinent carré et cercle en des œuvres picturales qui associent micro- et macrocosme, dans un but de méditation. Le mandala contient plutôt des images que des mots, mais un de ses dérivés, le yantra hindouiste, dispose ses formules magiques écrites dans des quadratures de cercles similaires.
Si les Indiens ont utilisé le modèle des échecs, qu’ils ont peut-être inventé, les Japonais ont agencé quelques poèmes carrés sur des plans de jeu de go : les mots ne sont donc pas écrits dans des cases, mais le long de parallèles et perpendiculaires dont les intersections caractérisent le go.
Illustration : coufique géométrique (Al-Ikhlas) – cliquer sur l’image pour l’agrandir.