Phénix
J'invente, j'accomplis et je replante en toi
L'arbre à feu de la terre
L'arbre à sang, le rampant, le dur éclabousseur
Crachant sa fleur de pourpre au visage indolent
Qui veut se croire sage.
Je suis au cœur de toi tous les vents éveillés
Tous les songes privés de leurs feuilles de songe
Et qui vont naître.
Tes bras s'ouvrent, bel arbre de ma création !
Quelle vie inventer, à mesure inhumaine
Où niche l'oiseau feu, à lui-même attaché
Qui de lui-même, incendieur d'été.
Reprends ma quête interrompue
Et sur chaque visage où saigne ma blessure
Bois la force qui te fera recommencer.
Délivrance
L’Étoile sur le ciel palpite et te fait signe
Avance !
Derrière tout est blanc comme avant ta naissance
Et tu es pure, à toi-même apparue et renoncée.
Tu enfantes le mythe dont tu peux mourir
Et qui lui-même t'a portée,
Amour.
Longe la source au cœur troué
D'où s'élève un visage
Fier de la mort qu'il porte en lui
Et qui sur toi rayonne,
Soleil écartelé aux quatre membres de l'été,
Figure d'enfant roi qui de la nuit surgie
Te ramène à la nuit.
La courbe est douce de son feu au feu du monde
Où tu parviens
Fais l'amour avec son amour
Pour que naisse une flamme neuve
Lécheuse de tourments nouveaux.
Transforme sa matière en songe pour tes songes
Ouvre ton corps à la menace suspendue
Autour de ceux qui savent et qui s'abandonnent...
Mourir c'est limiter, tu ne veux que passer plus loin.
La Scène capitale
L'archange aux cheveux noirs fils de la foudre
Et de la terre aux germes saccagés.
Il est ce tremblement qui gêne l'évidence
Le chemin qui s'invente à tous les pas
Et qu'on oublie,
Les gestes faits dans le sommeil ou dans l'amour
Humble récognition des signes rois
Érigés à l'entour du visage choisi
Pour être le témoin de choses défendues
A chaque fois perdues
Et qui déchirent l'avenir.
Éblouissant visage nu !
Il apparaît lorsque se forme ou bien se perd
L'échange de ta nuit avec ma nuit
Le choc : Passage de la foudre —
Mort.
Thérèse Aubray, trois premiers poèmes de la section inaugurale, « Métamorphoses », de Défense de la terre — Battements III (GLM, 1937, préface de Léon-Paul Fargue).
bio-bibliographie de Thérèse Aubray
[choix de Jean-Paul Louis-Lambert]